Jacques Hainard et l’ethnographie
En 1980, Jacques Hainard succède à Jean Gabus à la tête du Musée d’ethnographie de Neuchâtel. Bien que se réclamant de l’héritage de son maître Jean Gabus, il remet en question, dès 1981, l’ethnologie et l’ethnographie pratiquées par son prédécesseur. Un nouveau ton est donné dans les expositions temporaires. En 1989, lors de l’exposition « Le Salon de l’ethnographie », Jacques Hainard entonne un avant-gardiste requiem de l’ethnographie traditionnelle.
Au micro de Michèle Jaccard, Jacques Hainard s’attache d’abord à définir la discipline ethnographique. Interrogé sur l’exposition présentée au Musée d’ethnographie, il pose la question de ce qu’est l’objet ethnographique. Masques et statues ont d’abord été récoltés pour leur valeur esthétique, avant qu’une attention particulière soit portée aux objets et ustensiles courants. Faut-il continuer, aujourd’hui, à collecter cette culture matérielle, qui tend à disparaître sous sa forme traditionnelle ? Les objets de consommation se retrouvent désormais dans le monde entier, et le berger peule possède le même transistor qu’un écolier occidental.
L’exposition « Le Salon de l’ethnographie » fait date : l’ethnographie fait sa révolution, s’enterre et se ressuscite tout en créant un nouveau discours, qui produira à son tour une nouvelle muséographie dite « de la rupture ». Plutôt que de faire voyager le visiteur dans le monde ethnographique, l’exposition vise à le déstabiliser pour « lui imposer de confronter les stéréotypes de la pensée ordinaire avec les réalités du monde actuel » (Jelmini 2010, p. 332). L’ethnologie de Jacques Hainard veut, souvent par l’ironie et l’humour, être critique et explicative du présent. Cette réflexion s’accompagne d’une remise en question du rapport entre le visiteur et l’objet exposé.
Hainard, Jacques, «Objets en dérive pour « Le Salon de l’ethnographie »», in: Le Salon de l’ethnographie, Neuchâtel: Musée d’ethnographie, 1989, pp. 11-30.
Jelmini, Jean-Pierre, Neuchâtel 1011-2011, mille ans – mille questions – mille et une réponses, Hauterive : Ed. Attinger SA, 2010, p. 332.
Extrait de Who’s who de l’ethnologie suisse. 1995. Ethnologica Helvetica (Berne) N°19.