Bien que situé en dehors des grands circuits touristiques, Neuchâtel bénéficie, à la fin du 18e siècle et au début du 19e siècle, d’un essor important du nombre de voyageurs. Bon nombre de visiteurs, marchant sur les traces de Jean-Jacques Rousseau, font étape en ville de Neuchâtel après leur visite de Môtiers. Ce développement du tourisme amène une extension des structures hôtelières de la ville et leur amélioration. Entre 1793 et 1795, le justicier Jonas-Louis Raymond rachète le bâtiment abritant l’auberge du Sauvage, à la rue du Coq-d’Inde no 24. Le bâtiment tombant en ruine, ce dernier le reconstruit, donnant naissance à l’hôtel des Balances.
L’artiste s’est placé au milieu de la rue du Coq-d’Inde, embrassant la partie sud et ouest de la place. Le nom de l’hôtel est inscrit en lettres majuscules sur une enseigne placardée sur la façade, au-dessus des fenêtres du premier étage. Un coche à deux chevaux s’est arrêté devant l’entrée de l’établissement pour y amener des voyageurs. Plusieurs personnages animent la scène. Au fond, on distingue le début de la ruelle Bellevaux montant vers le château.
Sous l’image, un long texte bilingue vante les avantages de l’hôtel : « Duclous aubergiste aux Balances à Neuchâtel. Cet Hotel le mieux situé a l’agrément de la vue du lac, des Alpes et a proximité des promenades. La distribution des appartements est des plus agréables. L’aubergiste employera ses soins a mériter la préférence dont cette Maison a joui de tout tems. Dieser sehr gut gelegen Gasthof mit der Aussicht auf den See und dir Alpen in der Nahe der Promenade bequemen Zimmern bietet den Reisenden alles mögliche Angenehme dar. Der Wirth verspricht alle seine Kraëfte aufzubieten um den Vorzug zu verdienen, den dieses Haus von jeher behauptet hat. »
Au moment de l’édition de cette gravure, l’hôtel des Balances se situe en effet à proximité immédiate du lac, qui vient battre au pied de la Promenade Noire. Aussi l’aubergiste ne manque-t-il pas, dans son argumentation, d’insister sur ces points, très appréciés des voyageurs de l’époque. Le Guide du voyageur en Suisse, publié en 1824, mentionne d’ailleurs à propos de cet hôtel : « jolie situation, agrément de promenades variées sur la nouvelle route ». Si l’utilisation de l’estampe pour vanter les charmes d’un hôtel par l’image n’est pas exceptionnelle au 19e siècle, les textes accompagnant l’image sont rarement aussi explicites que celui-ci. Au tournant des 19e et 20e siècles, la carte postale supplantera la gravure comme vecteur publicitaires dans le domaine du tourisme.
Jelmini, Jean-Pierre, Neuchâtel 1011-2011, mille ans – mille questions – mille et une réponses, Hauterive : Ed. Attinger SA, 2010, pp. 261.
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