La science psychiatrique pose ses fondements à la fin du 18e siècle et son application demande des bâtiments adaptés. En Suisse, le premier asile prévu spécifiquement pour les aliénés est construit à Genève en 1838. Le 20 septembre 1843 est promulgué un règlement neuchâtelois relatif « au placement des aliénés dans les établissements destinés à leur traitement ». La maison de santé de Préfargier, près de Marin, voit le jour 6 ans plus tard. Elle est due à l’initiative privée d’Auguste-Frédéric de Meuron (1798-1852). L’architecte Pierre-François-Philippon (1784-1866), guidé par les théories médicales des aliénistes, conçoit les plans qui sont exécutés par Louis Châtelain (1805-1885).
Cette lithographie est tirée d’un album imprimé à Paris par E. Thunot & Cie, composé de 6 planches montrant des plans et des vues de la maison de santé de Préfargier. La grande vue d’ensemble à vol d’oiseau permet de saisir en un coup d’œil l’agencement du site. De grandes dimensions, les différents corps de bâtiments sont disposés symétriquement en rectangle et peuvent accueillir jusqu’à 100 patients. Bordé par deux longues allées de peupliers, l’établissement est entouré d’un parc arborisé, dont l’agencement sinueux contraste avec la rigueur géométrique des édifices. A l’arrière plan, un bateau à vapeur croise sur le lac tout proche.
La maison de santé de Préfargier est construite à la campagne, non loin du lac, pour bénéficier du calme et de la tranquillité nécessaires au traitement des maladies mentales. Cette situation permet des promenades dans la nature et dans le vaste parc qui entoure l’édifice. Elle facilite aussi l’isolement sans coupure totale de la population, étant donnée la proximité de Neuchâtel et de Saint-Blaise. La symétrie du bâtiment, la rationalisation de l’espace et la clarification des fonctions participent du traitement médical en servant de point de référence au malade dans son organisation spatiale. Selon les théories de l’époque, la beauté du paysage exerce aussi une influence positive sur l’état d’esprit des malades.La création de lieux spécifiques et adaptés au traitement des maladies mentales marque une étape importante de la médecine et une nouvelle manière d’aborder cette spécialité. Suivant le précurseur français Philippe Pinel (1745-1826), les médecins prennent conscience de l’importance d’un « traitement moral » du malade, qui passe du statut d’objet à celui de sujet. L’asile permet de soustraire le malade à son environnement et d’individualiser son traitement.
Courvoisier, Jean, Les monuments d’art et d’histoire du canton de Neuchâtel, Bâle : Ed. Birkhäuser, 1963, pp. 83-85.
1849-1999, Préfargier, 150 ans au service de la psychiatrie, Ed. G. Attinger, 1999.
Donzé, Pierre-Yves, Bâtir, gérer, soigner, histoire des établissements hospitaliers de Suisse romande, 2003, pp. 127-129.