Au 18e siècle, les Montagnons (nom donné aux habitants des montagnes neuchâteloises) sont contraints de gagner leur vie dans des conditions pénibles. Ils consacrent l’essentiel de leur énergie au travail. Il arrive cependant que les hommes jouent aux quilles, au palet ou aux cartes principalement le dimanche. La lecture de journaux, les échanges au cabaret, le tir, la chasse et les promenades sont aussi très appréciés. A l’exception des traditions, des croyances et de la musique populaire, la culture reste essentiellement pragmatique et liée à la vie quotidienne. Le développement de la vie artistique et culturelle est plutôt une affaire de la classe aisée. Celle-ci a souvent accès à des loisirs relativement onéreux comme les spectacles ou les excursions en traîneau attelé. Les riches familles s’offrent souvent les services de maître de musique ou à danser. De plus, elles organisent souvent à leur domicile des bals, des concerts ou des représentations théâtrales.
Cette vue de La Chaux-de-Fonds est prise depuis le sud. Le sujet principal de cette gravure n’est pas le village mais plutôt ses habitants. En effet, au premier plan sur la droite, des planches de bois jonchent le sol. Au second plan à gauche, assis sur un mur en pierres sèches, une femme et deux hommes accompagnés d’un chien s’entretiennent tournant le dos au village. A leur droite, derrière le mur, un paysan porte une lourde charge sur ses épaules. Au centre, des planches de bois sont appuyées contre le mur comme prêtes à servir. Plus à droite, un dessinateur est assis derrière le mur et observe La Chaux-de-Fonds, sa planche à dessin posée sur ses genoux. A sa droite, un homme courbé semble occupé à la réparation du mur. A droite, un homme assis au pied d’un sapin tient un cheval par la bride. A l’arrière plan, des collines boisées surmontent le village de La Chaux-de-Fonds.
Dans cette gravure, l’attention de l’auteur se porte plutôt sur les habitants et leurs activités. En effet, le village a été relégué au second plan. C’est le premier plan qui retient ici toute notre attention. L’artiste y a créé une scène vivante, animée, qui illustre la vie des habitants en dehors du village. La campagne devient un lieu de délassement, de loisirs pour la bourgeoisie. Au contraire, elle reste un lieu de travail pour les paysans. D’ailleurs, est-un hasard si les paysans sont séparés des bourgeois par un mur ? Le fait que l’artiste ait représenté un dessinateur au travail dans cette gravure est peut-être un clin d’œil a sa propre activité, ou une sorte d’autoportrait. Mais cela reste relativement rare de la part des graveurs neuchâtelois.
Cop, Raoul, Histoire de La Chaux-de-Fonds, Ed. G d’Encre, 2006.