Au 18e siècle, la porcelaine de Paris se définit comme une « porcelaine de pâte dure à la fois fabriquée et décorée dans les manufactures sises à Paris » (De Plinval de Guillebon, 1972, p. 9). Toutes les manufactures ne réalisaient pas les mêmes objets. Ainsi, on sait que celles de Clignancourt, Dihl et Dodé notamment, produisaient régulièrement des groupes en biscuit tels que celui étudié ici. La manufacture royale de Sèvres jouissait alors du privilège royal, au détriment de ses concurrentes. Face à la suprématie commerciale de Sèvres, d’autres manufactures n’hésitaient pas à voler des modèles, exécutés par les grands artistes de l’époque pour la réalisation de pièces en biscuit, par exemple.
Le biscuit est une forme de porcelaine « cuite sans être émaillée » (De Plinval de Guillebon, 1972, p. 143), ce qui lui confère son aspect mat. Dans un premier temps, les pièces en biscuit sont moulées, puis les finitions sont effectuées par des « répareurs ». À la fin du 18e siècle, on produit différents objets en biscuit : groupes, comme c’est le cas ici, figures seules, bustes ou vases. Il s’agit essentiellement de pièces décoratives. Le groupe présenté ici est peut-être un surtout, c’est-à-dire une pièce ornant la table lors de dîners. Ce type de pièces agrémentait également les commodes ou les consoles du salon, à l’instar d’une sculpture. À l’époque, un grand art était déployé afin d’embellir la table : on trouve à cet effet de nombreux objets sculptés, surtout en argent et en céramique. Ici, l’iconographie est simple, l’auteur de l’œuvre cherche avant tout à représenter un sujet agréable, sans forcément vouloir transmettre un quelconque message.
La déesse Diane est représentée tirant une flèche de son carquois et tenant un arc dans sa main gauche. Elle surplombe quatre autres figures, allégories des quatre saisons, qui l’entourent. À la droite de la déesse, la personnification de l’automne est vêtue de feuilles de vigne et de grappes de raisin. Elle sépare l’hiver, qui porte une flamme et un manteau, et le printemps, dont la tête s’orne d’une couronne de fleurs, que l’on retrouve également autour de son corps vêtu simplement d’un fin drapé. Enfin, l’été entoure de son bras gauche une gerbe de blé, et rappelle la période des moissons.
Le style de ce groupe documente le goût pour l’antique qui se répand en Europe à la fin du 18e siècle ; le travail des drapés, ainsi que la figure mythologique de Diane signalent la vogue de cette inspiration. Il n’était pas rare de rencontrer de tels sujets pour ce genre d’objets. En effet, les thèmes choisis se voulaient pour la plupart légers et mettaient en scène « des amours, des divinités et des groupes mythologiques, des allégories, des pastorales et des animaux » (De Plinval de Guillebon, 1972, p. 144).
Ces créations, d’un grand raffinement, avaient donc pour destination première l’ornementation (d’une table, d’un salon, etc.), mais participaient également au maintien du rôle social de leur propriétaire au regard des convives. Il s’agit en effet de pièces de luxe, qui servaient à afficher ouvertement une certaine richesse, dans une société où l’apparence confortait le sentiment de son rang.
Bourgeois, Émile, Lechevallier-Chevignard, Georges, Le biscuit de Sèvres : recueil des modèles de la manufacture de Sèvres au XVIIIe siècle, Paris : P. Lafitte, 1900.
Bourgeois, Émile, Le biscuit de Sèvres au XVIIIe siècle, Paris : Joyant, 1909. De Plinval de Guillebon, Régine, Porcelaine de Paris 1770-1850, Fribourg : Office du Livre, 1972.
Fay-Hallé, Antoinette, Lahaussois, Christine, Porcelaine française du XVIIIe siècle. Histoire, motifs et marques, Paris : Lagardère active, 2011.
Lesur, Adrien, Les porcelaines françaises, Paris : Tardy, 1967.
Paredes, Liana, Sèvres then and now : tradition and innovation in porcelain 1750-2000, Washington : D. Giles Ltd., 2009.
Savill, Rosalind, Catalogue of Sèvres porcelain, Londres : Wallace Collection, 1988.
Dossier d’œuvre conservé au département des arts appliqués du Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel.