Henriette Dorothée Pury nait en 1750 à Neuchâtel. Elle est la fille de Julie-Régine Pury (née de Chambrier) et du colonel Abram Pury, commandant des milices du Val-de-Travers et Conseiller d’Etat. Ce dernier est passé à la postérité pour avoir rédigé trois faux documents, dont la célèbre Chronique des chanoines, qui tendent à faire la preuve des liens étroits existants entre Neuchâtel et la Suisse.
Henriette épouse en 1769 Pierre-Alexandre DuPeyrou et aménage dans le luxueux hôtel particulier que ce dernier achève au faubourg de l’Hôpital à Neuchâtel. Elle est âgée de dix-huit ans et demi ; lui en a quarante. D’après les écrits de l’époque, tout le monde s’accorde à trouver le couple bien mal assorti.
Elégamment vêtue d’une robe blanche barrée de rubans bleus, Henriette Dorothée est coiffée d’un petit chapeau bordé de noir à plumes roses et noires. Le corps tourné vers la droite, elle incline légèrement la tête vers son épaule gauche. Une longue mèche de cheveux lui tombe sur la poitrine.
Pierre-Alexandre DuPeyrou s’était, 20 ans plus tôt, amouraché de Julie-Régine de Chambrier, mais cette dernière était déjà promise à Abram Pury. Est-ce que cette déconvenue sentimentale peut expliquer son mariage avec Henriette-Dorothée, fille de cet ancien amour ? Dans une lettre du 8 juillet 1769 (BPUN Ms. 1598a), DuPeyrou fait part de ses sentiments relativement à leur différence d’âge : « L’objet de mon choix est une personne que j’ai vue presque tous les jours depuis celui de sa naissance, que j’aimais comme on aime son enfant, et qui a préféré de me faire porter le titre de son mari à celui de père que j’eusse adopté pour elle. »
Henriette est décrite par ses contemporains comme vive, aimant les fêtes et les distractions, organisant dîners et bals mondains, s’adonnant au théâtre amateur alors en vogue parmi les notables de la ville. Son mari, au contraire, est prématurément vieilli : il souffre d’attaques fréquentes de goutte, de surdité et sa vue baisse. Jean-Jacques Rousseau, ami de Pierre-Alexandre, parle ainsi de lui au livre douzième des Confessions : « Il était sourd et goutteux, quoique jeune encore. Cela rendait tous ses mouvements fort posés, fort graves, et, quoiqu’il aimât à disputer, quelquefois même un peu longuement, généralement il parlait peu, parce qu’il n’entendait pas. ».
Veuve en 1794, Henriette Dorothée abandonne l’hôtel DuPeyrou au profit d’une rente à vie qui lui assure une existence confortable jusqu’à sa mort.
Jelmini, Jean-Pierre, Juillerat, Anne-Laure, Piguet, Claire, Bujard, Jacques, DuPeyrou, un homme et son hôtel, Fleurier : Ed. du Belvédère, 2011.
Guyot, Charly, Un ami et défenseur de Rousseau, Pierre-Alexandre DuPeyrou, Neuchâtel : Ides et Calendes, 1958.
Rousseau, Jean-Jacques, Les Confessions, Livre douzième, Genève : Société typographique, 1789.