Outre le fait de se rapporter à des pendules réalisées dans le canton de Neuchâtel, l’appellation « pendule neuchâteloise » fait référence à un style décoratif de pendules développé dans les Montagnes neuchâteloises et inspiré des styles français à la mode sur les marchés d’exportation de la pendulerie suisse. L’archétype ordinairement associé à la « pendule neuchâteloise » est inspiré du style Louis XV, qui connaîtra diverses reformulations entre la deuxième moitié du 18e siècle et 1850 environ. Ce sont les fabricants de cabinets neuchâtelois qui décident de ces variantes, en fonction de la façon dont ils anticipent la demande de leurs clientèles. Le fabricant du cabinet de cette pendule est Aimé Billon (né en 1791), l’un des artisans chaux-de-fonniers les plus connus de sa génération. Au contraire d’autres fabricants, il gère entièrement l’élaboration du cabinet dans ses ateliers, de la construction de la boîte jusqu’aux peintures, vernis et aux gravures qui la décorent. Il jouera aussi le rôle d’établisseur, se faisant livrer les mouvements à intégrer à ses cabinets avant d’assurer leur vente.
La forme générale de cette pendule, de style « Restauration », s’apparente étroitement à la dernière génération de variations que connaît l’archétype de la pendule neuchâteloise. Son cabinet est, comme pour les autres modèles, composé de trois éléments : un chapiteau, un cabinet, et une console. Sa façade, par contre, se distingue des autres modèles en ce qu’elle comporte deux ouvertures vitrées réunies par un bouton-serrure. Une, plus grande, laissant apparaître le cadran courbe et les aiguilles sous un verre bombé, et l’autre, plus petite, par laquelle on aperçoit le pendule en action. D’autres ouvertures, pratiquées sur les côtés de la boîte, laissent apparaître le mouvement avec ses fonctions de réveil et de grande sonnerie-petite sonnerie automatique : la petite sonnerie sonnant soit les « heures pile » soit les quarts se métamorphose automatiquement, de nuit, en grande sonnerie (sonnant systématiquement à la fois les heures et les quarts). Deux ficelles émergent des côtés de la boîte. Tirer celle de droite permet au propriétaire d’entendre, lorsqu’il le souhaite, l’heure qu’il est. Tirer celle de gauche lui permet d’armer le réveil. Sur la façade, les contours qui délimitent les ouvertures (lunettes) sont ornés de bronze guilloché, aux motifs géométriques. La boîte, elle, est décorée de motifs floraux, couleur or et blanc de ceruse sur fond noir, peints selon une composition symétrique. Les aiguilles et le pendule arborent elle aussi un motif floral : un bouton de fleur en bronze repoussé.
Aimé Billon est le seul à signer cette pièce, sur la porte du cabinet ; ni le mouvement, ni le cadran ne sont signés. Il s’agit-là d’une situation commune, surtout en ce qui concerne les garde-temps à vocation décorative. Ces derniers revêtent en effet la plupart du temps soit la signature du revendeur, soit celle du fabricant ayant participé à l’élaboration dont le prestige ou les réseaux commerciaux auront le plus de chance d’assurer la distribution de la pièce. A côté de ce modèle aux formes conventionnelles, Aimé Billon proposera des types de cabinets beaucoup plus originaux, inspirés par l’éclectisme qui caractérisera le style Empire. Ceci dit, à La Chaux-de-Fonds en tout cas, la fabrication de la « pendule neuchâteloise » tombera lentement en désuétude à dater du milieu du 19e siècle, au profit de la fabrication de montres de poche, dont les marchés étrangers se révéleront peu à peu davantage friands.
Berner, G.-A., « Pendule », in : G.-A. Berner, Dictionnaire professionnel illustré de l’horlogerie I + II, Bienne : Société du journal La Suisse horlogère, 2007, entrée n° 3416.
Cardinale, Catherine, Piguet, Jean-Michel, Catalogue d’œuvres choisies, La Chaux-de-Fonds : IHT, 1999, p.72.
Chapuis, Alfred, Histoire de la pendulerie neuchâteloise, Genève : Editions Slatkine, 1983 [1917], pp. 127-128 ; 257-269.
Chapuis, Alfred, « Notes biographiques et index », in : Chapuis, Alfred, Histoire de la pendulerie neuchâteloise, Genève : Slatkine, 1983 [1917], p.452.
Chapuis, Alfred, Pendules neuchâteloises : Documents nouveaux, Genève :Slatkine, 1987 [1931], p. 268, fig.209.