Au temps des Lumières, les textes de philosophes et des pamphlétaires politiques français sont très recherchés par les élites des pays européens, à tel point que les imprimeurs français ne peuvent répondre à cette demande. La censure en vigueur en France paralyse aussi l’édition de certains textes. Ceci favorise l’émergence d’imprimerie aux frontières du royaume, et notamment à Neuchâtel. Samuel Fauche n’est encore qu’un petit libraire et éditeur de province lorsque son nom est utilisé pour la publication de la célèbre Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Afin de contourner la condamnation de l’Encyclopédie après la publication du septième tome en 1759, les dix derniers volumes de l’ouvrage paraissent en effet sous l’adresse « Samuel Fauche & Compagnie, Libraire & Imprimeurs à Neufchastel ». L’éditeur neuchâtelois ne sert ici que de prête-nom et l’impression s’est faite à Paris.
Imprimé en grand format folio, le huitième tome du célèbre ouvrage porte le même titre que les précédents volumes : « Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une société de gens de Lettres ». Mais alors que les noms de Diderot et d’Alembert figuraient sur les sept premiers tomes, ils disparaissent du huitième, remplacé par la mention anonyme « mis en ordre et publié par Mr *** ». La fausse adresse de Neuchâtel, « chez Samuel Faulche & compagnie » apparait sous une allégorie de la connaissance.
Samuel Fauche ne sert ici que de prête-nom, l’impression se faisant à Paris chez les éditeurs Briasson, Le Breton, David et Durand. Mais Fauche reçoit ainsi une publicité extraordinaire. En 1769, il participe avec Frédéric-Samuel Ostervald, Jean-Elie Bertrand et Jonas-Pierre Berthoud à la fondation de la Société typographique de Neuchâtel (STN) à laquelle il collabore durant trois ans. La STN se spécialise dans la réimpression des livres à succès. Parmi les grandes entreprises de la STN figure l’édition in-quarto de l’Encyclopédie en 1778 et 1779, en collaboration avec d’autres imprimeries.
Darnton, Robert, « La société typographique de Neuchâtel et les batailles autour de l’Encyclopédie », in : L’édition neuchâteloise au siècle des Lumières : la Société typographique de Neuchâtel (1769-1789), recueil d’études publié par Michel Schlup, Hauterive : Gilles Attinger, 2004, pp. 115-128.
Schlup, Michel, Tissot, Pierre-Yves, Le livre neuchâtelois, Neuchâtel : Comité de coordination du 450e anniversaire Association suisse des arts graphiques, 1983, p.36.