Dans la deuxième moitié du XVIIe siècle émergent à Neuchâtel les prémices d’une véritable vie intellectuelle et culturelle, malgré le carcan religieux imposé par la Vénérable Classe des Pasteurs. Quelques érudits et scientifiques se penchent sur l’histoire du Pays de Neuchâtel et sur sa géographie. Ainsi Abraham Amiet fait paraître en 1693 sa Description de la Principauté de Neuchâtel et Valangin. La cartographie se développe parallèlement. Une première carte dressée par Josué Perret-Gentil en 1630 n’est pas parvenue jusqu’à nous. A la demande du Conseil d’Etat, le père Claude Bonjour, religieux augustin du couvent de Pontarlier, réalise une carte de la souveraineté de Neuchâtel qui est gravée entre 1670 et 1672 et éditée probablement au début de l’année 1673.
Rehaussée à l’aquarelle, la carte du père Bonjour délimite clairement les six châtellenies et les seize mairies qui composent le Pays de Neuchâtel. Gravée à l’échelle 1 : 100’000, la carte est orientée selon l’axe nord-ouest sud-est. Les localités principales sont signalées par un cercle. Les paroisses sont désignées par le dessin d’une église. La carte est surmontée d’un cartouche présentant le contexte géographique et historique de Neuchâtel. Dans l’angle gauche, au bas de la feuille, un cartouche accosté de deux dauphins mentionne l’auteur de la carte. Il est surmonté des armes de Jean-Louis-Charles de Longueville, dit l’abbé d’Orléans, qui reprit la principauté après la mort de son frère en juin 1672.
Les connaissances techniques et scientifiques de l’époque ne permettent bien évidemment pas d’atteindre l’exactitude d’aujourd’hui, mais la relative précision de cette carte est la preuve du soin apporté à sa réalisation. Elle ne comporte ni tracé routier ni indications d’altitude, mais le réseau hydrographique est en revanche restitué avec rigueur et le relief est mis en évidence par un système de hachures qui suggère clairement la pente. La couverture végétale est sommairement dessinée. La carte de David-François de Merveilleux, établie vingt ans plus tard en 1694, n’atteint pas toujours cette qualité.
Graf, Johann Heinrich, « Notice sur la plus ancienne carte connue du Pays de Neuchâtel », Bulletin de la Société neuchâteloise de géographie, 7, 1892-1893, pp. 5-30.
Schlup, Michel, Trésors de l’édition neuchâteloise, Hauterive : Ed. Gilles Attinger, 1981, pp. 38-40.
Knapp, Charles, « A propos des premiers cartographes neuchâtelois : Josué Perret-Gentil, le père C. Bonjour, David-François de Merveilleux », Bulletin de la Société neuchâteloise de géographie, 24, 1915, pp. 24-41.