A la suite d’un projet de construction au lieu-dit « Les Carougets », sur la commune du Landeron, le Service cantonal d’archéologie a mené des fouilles entre 1990 et 1991 dans un secteur connu pour abriter une importante villa romaine. Les 840 m2 fouillés ont révélé des occupations qui s’échelonnent du Bronze final au Moyen-Âge, attestant de l’attrait du lieu à travers les âges. Située sur un important axe de communication tant terrestre que fluvial, cette villa n’est pas isolée1 et occupe un emplacement stratégique à seulement 20 km à vol d’oiseau d’Avenches, capitale de l’Helvétie romaine. Cette situation particulière se retrouve dans le toponyme « Les Carougets », qui renvoie à la notion de carrefour ou de croisement de chemins.
C’est dans une fosse médiévale recoupant les occupations antérieures que l’unique stylet du site a été mis au jour. Le stylet est un instrument d’écriture qui sert à graver des caractères sur des tablettes de bois recouvertes de cire. Il est généralement réalisé en fer, plus rarement en bronze ou en os. Il possède une pointe pour écrire, une zone moulurée pour la préhension, une tige et une palette servant à effacer le texte en grattant la cire.
Notre objet est un stylet en bronze dont il manque la pointe et la zone moulurée. Sa longueur restituée est comprise entre 10 et 13 cm. Il possède une tige de section octogonale délimitée par des triangles facettés. Une extrémité présente une palette trapézoïdale, tandis que l’autre, incomplète, s’arrête sur un prisme quadrangulaire portant une inscription.
Gravée en lettres capitales dotées de légers empattements, l’inscription est une dédicace amoureuse qui prend la forme d’un aphorisme en quatre mots correspondant aux quatre faces. On y lit « DI TE/SERVENT/AMOR/AMORUM », ce que l’on peut traduire par « Que les dieux te protègent, amour des amours ».
Nous connaissons très peu de stylets portant des inscriptions. Cependant, certains exemplaires comme ceux de Rouffach (Haut-Rhin, France) et de Volon (Haute-Saône, France) pourraient provenir du même atelier que l’exemplaire du Landeron.
De semblables inscriptions galantes, parfois plus explicites, se retrouvent sur d’autres objets personnels comme les fibules, les bagues ou encore les fusaïoles. Le stylet du Landeron se distingue néanmoins par son raffinement et, en cela, est un indicateur précieux du jeu de la séduction au sein de l’aristocratie romaine.
Cet objet, volontairement plié puis abandonné, est peut-être le vestige d’une (ou de plusieurs !) histoire d’amour qui aurait mal fini, il y a presque 2’000 ans.