Au cours du XIIIe siècle, les seigneurs de Neuchâtel tentent d’asseoir leur position dans le Haut-Jura en s’établissant sur les terres encore à défricher et en les mettant en valeur. Le prieuré Saint-Pierre de Morteau joue ainsi un rôle important dans l’appropriation de cette région. Des stratégies matrimoniales viennent renforcer cette politique : Rodolphe de Neuchâtel épouse, en 1260, Sybille de Montbéliard. Dans la même optique, Louis de Neuchâtel s’unit en 1325 à Jeanne de Montfaucon. Cette dernière apporte en dot 52 fiefs du domaine qu’elle possédait en commun avec ses oncles Henri et Girard. Aussi Louis de Neuchâtel gère-t-il ces terres, en attachant une attention particulière au Val-de-Morteau. Il y exerce la haute justice, rendu par l’intermédiaire de tribunaux appelés « plaid » et présidés par des officiers comtaux.
Ce registre in-quarto est constitué de 122 folios écrits sur papier, reliés sous une couverture de cuir brun foncé. Le premier folio dresse la liste des jurés du plaid de Morteau pour 1331. Au verso du second folio se trouve un dessin à la plume représentant le Christ sur la croix, surmonté d’un soleil et d’une lune. Le dessin est encadré par quatre passages en latin extraits du Nouveau Testament : Luc II, 8-20 (récit de la nuit de Noël) en haut à gauche ; Luc XI, 27-28 (« Heureux le sein qui t’a porté! ») en bas à gauche ; Luc I, 41-43 (la visite de Marie à sa cousine Elisabeth) en haut à droite ; Marc XVI, 14-15 (apparition de Jésus ressuscité) en bas à droite. Le reste du registre est constitué par les procès-verbaux en ancien français des assises tenues à Morteau entre janvier 1329 et août 1331.
Par sa rareté, ce registre est d’une exceptionnelle importance pour cette période et pour cette région. Il permet d’apporter un grand nombre de renseignements inédits sur le fonctionnement de la justice (procédure, régimes matrimoniaux et successoraux, conditions et préoccupations des justiciables) ainsi que sur les défrichements et l’économie rurale dans cette région. Au vu de la variété des jugements, il met aussi en évidence les influences diverses à l’œuvre au sein de la justice. Il permet de constater enfin que les profits de cette justice sont appréciables, les amendes rapportées n’étant pas négligeables.
Imbert, Véronique, « Le registre du plaid de Morteau (1329/1331) », in: La justice dans les États bourguignons et les régions voisines aux XIVe-XVIe siècles : institutions, procédure, mentalités : rencontres de Luxembourg (28 septembre au 1er octobre 1989), actes publiés sous la direction de Jean-Marie Cauchies, Neuchâtel : Centre européen d’études bourguignonnes, 1990, pp 17-26.
Scheurer, Rémy, « L’assise et l’exercice du pouvoir seigneurial », in : Histoire du Pays de Neuchâtel, tome 1, Hauterive: Attinger, pp. 210-225.
Tribolet, Maurice de, « Un trésor des Archives de Neuchâtel: le registre des assises du Val-de-Morteau (1329-1331) », Musée Neuchâtelois, 1980, pp. 71-73.