Voisins de la Franche-Comté et tributaires des exportations horlogères, les habitants du Locle et de La Chaux-de-Fonds sont attentifs aux événements de la Révolution française. Aux yeux des progressistes, les inégalités et les injustices du système social et politique neuchâtelois apparaissent désormais plus criantes.
Les adeptes des idées nouvelles se nomment eux-mêmes « patriotes » et portent le bonnet rouge ; les conservateurs arborent une cocarde orange en signe d’attachement à la famille royale de Prusse. Avec le temps, les deux camps en viennent à échanger des insultes et des coups.
La proclamation de la république française, le 22 septembre 1792, soulève l’enthousiasme des progressistes. Galvanisés, les « patriotes » de La Chaux-de-Fonds plantent un arbre de la liberté près de la place des Victoires le 1er décembre, trois jours avant la cérémonie évoquée par la gravure de Girardet.
Une foule où dominent des hommes coiffés du bonnet rouge est massée à l’extrémité orientale de l’actuelle avenue Léopold-Robert, près du sapin élagué qui tient lieu d’arbre de la liberté.
Les deux maisons à gauche feront place à d’autres bâtiments ; celle de droite, construite vers 1774, porte maintenant le numéro 10 de l’avenue. La nuit est tombée et les fenêtres illuminées des bâtiments éclairent la scène.
Au premier plan, des hommes représentés en mouvement évoquent la ronde de la Carmagnole. C’est d’ailleurs par le nom de cette danse que l’on désigne ordinairement la gravure.
Le document illustre de manière suggestive la première remise en question, encore timide, de l’ancien régime neuchâtelois. Selon la tradition, la manifestation aurait été accompagnée de la libération de quelques faux Noirs enchaînés. Les acteurs de ce spectacle allégorique constitueraient par conséquent le petit groupe qui émerge de la foule au pied de l’arbre de la liberté.
Landry, Lucien, Causeries sur La Chaux-de-Fonds d’autrefois, La Chaux-de-Fonds, 1887, p. 76.
Droz, Numa, « Les luttes pour l’émancipation », in: La Chaux-de-Fonds – Son passé et son présent – notes et souvenirs historiques publiés à l’occasion du centième anniversaire de l’incendie du 5 mai 1794, La Chaux-de-Fonds : Comité d’initiative, 1894, pp. 98, 99.
Boy De La Tour, Maurice, La gravure neuchâteloise, Neuchâtel : Delachaux et Niestlé, 1928.