Lors de travaux de dragage en octobre 1991, un crâne de rhinocéros a été découvert à 30 mètres de profondeur dans le lac de Neuchâtel, à environ 300 mètres au large de Vaumarcus. Sa provenance exacte n’est pas connue et le reste du squelette n’a malheureusement pas été conservé. En excellent état, le crâne a été stocké par un pêcheur amateur dans sa baignoire, avant d’être pris en charge par le service archéologique cantonal pour identification et analyses. L’étude a révélé qu’il s’agissait d’un rhinocéros laineux (Coelodonta antiquitatis) datant du Tardiglaciaire[1] (environ 18’000-10’000 avant J.-C.).
Cet herbivore vivait en milieu ouvert de type steppe-toundra. Il pouvait mesurer jusqu’à 4 m de long pour 2 m au garrot et peser 3 tonnes. Il possédait une fourrure épaisse et une réserve de nourriture sous la forme d’une bosse de graisse. Ses cornes, pouvant mesurer jusqu’à 1 m de long, lui servait à déblayer la neige pour atteindre l’herbe, sa principale nourriture. Contemporain du mammouth et de l’ours des cavernes, il a disparu il y a 10’000 ans.
Le crâne est complet et présente une paroi osseuse entre les deux cavités nasales, typique du rhinocéros laineux aussi appelé rhinocéros à narines cloisonnées. Les dents jugales (molaires et prémolaires) sont au nombre de six et leur état de développement indique qu’il s’agissait d’un individu plutôt jeune n’ayant pas encore atteint sa taille adulte. Le sexe de l’animal ne peut pas être déterminé en raison de sa juvénilité.
Plusieurs hypothèses peuvent être formulées pour expliquer la présence de ce squelette au fond du lac, dont le niveau était à l’époque près de quatre mètres plus bas que celui d’aujourd’hui (429 m). Tout d’abord, l’animal a pu mourir au bord du lac et son cadavre être emporté par les courants avant qu’il ne coule. Une autre piste est celle du charriage des ossements par une rivière se jetant dans le lac, comme le Ruz de la Vaux à Vaumarcus. Enfin, il est possible que l’animal se soit enlisé dans une zone marécageuse au bord du lac, et ses ossements déplacés au gré des fluctuations lacustres.
Une telle découverte est inédite en milieu lacustre. D’autres ossements de rhinocéros laineux sont connus dans le canton, en contexte karstique : dans la grotte de Cotencher à Rochefort, dans les gorges de l’Areuse, ainsi qu’au gouffre de La Biche, au pied du Mont-d’Amin, dans le Val-de-Ruz. Comme pour le mammouth, cet animal se retrouve sur des représentations pariétales, comme dans la grotte Chauvet (Ardèche, France), ainsi que dans le pergélisol sibérien sous la forme de fossiles congelés. Le rhinocéros laineux de Vaumarcus est l’un des derniers représentants de l’espèce en Europe occidentale, peu avant son extinction totale probablement survenue par la disparition progressive de son milieu naturel.
Becker, Damien ; Rauber, Gaëtan, « Esquisse de l’histoire des mammifères et gisements fossilifères de Suisse », Bulletin de la Société Neuchâteloise des Sciences Naturelles, 130, Neuchâtel, 2007, pp. 5-48.
Morel, Philippe ; Hug, Béat, « Découverte d’un crâne tardiglaciaire de rhinocéros laineux Coelodonta antiquitatis (Blumenbach 1799) dans le lac de Neuchâtel, au large de Vaumarcus (NE) : paléontologie et conservation », Bulletin de la Société Neuchâteloise des Sciences Naturelles, 119, Neuchâtel, 1996, pp. 101-110.
Objet d’une visite thématique au Laténium, menée en juin 2012 par Bastien Jakob : https://www.rts.ch/decouverte/dossiers/2010/lacustres_objet-du-mois/4044667-le-crane-de-rhinoceros-laineux-de-vaumarcus.html (dernière consultation le 24.09.19).