En 1710, un professeur de grec et docteur en médecine du nom d’Eirini d’Eyrinys demande aux autorités neuchâteloises l’autorisation d’entreprendre des recherches dans le sous-sol de la région. La houille, le fer, le plomb, l’étain, le cuivre, l’or, l’argent ou le sel sont les richesses naturelles qu’il recherche. Les prospections qu’il mène en octobre 1711 lui font mettre au jour un gisement d’asphalte, minerai encore mal connu à Neuchâtel. D’Eyrinys obtient une concession et exploite le gisement en association avec Jean-Henri Bolles, des Verrières. En 1721, il publie un petit opuscule traitant de l’asphalte et de ses utilisations.
Dans cet ouvrage d’une quarantaine de pages, Eirini d’Eyrinys présente l’état des connaissances scientifiques sur l’utilisation de l’asphalte à son époque, dans le domaine de la construction et de la santé. L’auteur montre dans un premier temps les avantages de ce minerai utilisé comme « ciment naturel » et décrit précisément son usage : étanchéité pour bassin, réservoir, citerne ou même navire.L’huile d’asphalte peut aussi servir d’insecticide pour la conservation des grains. D’Eyrinys expose ensuite l’utilisation possible de l’asphalte en baume, souverain selon lui contre les affections de la peau (dartre, herpès), favorisant la cicatrisation des ulcères, soulageant les douleurs rhumatismales, soignant les engelures, la gale et le claveau des moutons.
La présence à certains endroits du Val-de-Travers d’affleurements d’une roche brunâtre, grasse et odorante a attiré très tôt les prospecteurs. Mais Eirini d’Eyrinys est le premier dans le Pays de Neuchâtel à identifier l’asphalte et à l’exploiter. Nous ne savons rien sur le succès de son entreprise. Ses successeurs ne tirent probablement pas un grand revenu de la mine, les débouchés de l’asphalte n’étant ni très étendus ni profitables. Il faut attendre le milieu du 19e siècle pour que son usage comme revêtement des routes en fasse un produit très prisé. L’arrivée d’entrepreneurs anglais (Neuchâtel Asphalte Company Limited) en 1873, ainsi que l’amélioration des méthodes de gestion et d’exploitation, donnent enfin à la mine une véritable expansion.
Jelmini, Jean-Pierre, « Les mines d’asphalte du Val-de-Travers, 1711-1986, brève histoire d’une industrie neuchâteloise », Nouvelle Revue neuchâteloise, n° 14, 1987.
Jelmini, Jean-Pierre, L’asphalte naturel du Val-de-Travers, histoire d’une industrie, Travers : Neuchâtel Asphalte Co, 1973.
Eirini d’Eyrinys, Dissertation sur l’asphalte ou ciment naturel, A Paris : chez Philippe-Nicolas Lottin, 1721.