Fouillé entre 1857 et 1917, le site de la Tène a livré plusieurs milliers d’objets datant pour la plupart du Second âge du Fer (450-30 avant J.-C.). Recueillis dans un ancien lit de la Thielle, ils sont dans un état de conservation remarquable grâce à leur préservation par les sédiments dans un milieu anaérobie. En septembre 1913, Paul Vouga y découvre deux objets énigmatiques en bronze. Malgré l’absence de comparaisons, ils sont alors interprétés comme des éléments décoratifs d’enseignes, de casques, de chars ou même comme des feuilles d’arbres sacrés. Il a fallu attendre la mise au jour d’un exemplaire de plus de 30 cm, encore attaché sur un pavillon de carnyx sur le site des « Arènes de Tintignac » à Naves (Corrèze, France) en 2004, pour identifier ces pièces comme étant des oreilles d’animaux. Grâce à cette découverte, d’autres éléments ont également pu être réinterprétés à Mandeure (Doubs, France), à Sanzeno (Trentin-Haut-Adige, Italie), à Abentheurer Hütte (Rhénanie-Palatinat, Allemagne) et à Manching (Bavière, Allemagne). D’autres objets en bronze prenant la forme d’animaux peuvent avoir des oreilles semblables à celles du carnyx, comme les enseignes et les statues.
Le carnyx (au pluriel carnices) est un instrument de musique utilisé par les Celtes. C’est une longue trompe métallique dotée d’un pavillon perpendiculaire en forme de tête d’animal avec la gueule ouverte, le plus souvent la hure d’un sanglier. Il se joue en position verticale, en équilibre sur la bouche du musicien. C’est un instrument original, sans équivalent dans le monde antique.
La pièce la plus grande est une oreille gauche faite d’une tôle de bronze de profil sinueux et concave, recourbée vers l’avant, avec une rainure centrale et un tuyau d’attache. Ce dernier a conservé des traces de soudure qui confirment le mode de fixation. Il s’agit d’une oreille de carnyx très poche morphologiquement des exemplaires de Tintignac, bien que plus grande.
La pièce la plus petite est également réalisée par martelage d’une tôle de bronze. Son profil est sinueux et le mode de fixation est le même. Cependant, sa forme est différente : elle se rapproche plus d’une corne stylisée que d’une feuille de laurier, et possède un décrochement en forme d’ergot sur sa partie inférieure. Elle peut avoir appartenu à un carnyx comme à une enseigne ou à une statue.
Seule une vingtaine d’oreilles en bronze est connue en Europe à l’âge du Fer. Elles peuvent être coulées ou façonnées dans une tôle et être attachées par soudure via un tuyau ou directement fixées avec des rivets. S’il est désormais établi que les exemplaires de grandes dimensions appartiennent à des carnices, il est plus difficile d’attribuer avec certitude ceux de petites à moyennes dimensions, ceux-ci pouvant également provenir d’enseignes militaires ou de statues cultuelles.
Le carnyx semble lié à l’aristocratie et à la religion mais sa fonction véritable n’est pas connue. Il a été interprété comme :
Le choix de l’animal représenté par le pavillon n’est pas anodin : le sanglier revêt en effet un caractère religieux tout en étant un symbole d’impétuosité guerrière.
Collectif, Le carnyx et la lyre : archéologie musicale en Gaule celtique et romaine, Besançon, 1993, Musée des beaux-arts et d’archéologie.
Honegger Matthieu et al. (dir.), Le site de La Tène : bilan des connaissances – état de la question, Hauterive, 2009, Office et musée cantonal d’archéologie de Neuchâtel, Archéologie Neuchâteloise 43.
Maniquet Christophe et al., « Le carnyx et le casque-oiseau celtiques de Tintignac (Naves-Corrèze). Description et étude technologique », Aquitania, 27, Bordeaux, 2011, pp. 63-150.
Vendries Christophe, « La trompe, le gaulois et le sanglier », Revue des Etudes Anciennes, 101, Bordeaux, 1999, pp. 367-391.
Vouga Paul, La Tène : monographie de la station, Leipzig, 1923, K.W. Hiersemann.
Objet d’une visite thématique au Laténium, menée en mars 2010 par Bastien Jakob :
https://www.rts.ch/decouverte/dossiers/2010/lacustres_objet-du-mois/1942513-les-elements-de-carnyx-de-la-tene.html