Très à la mode au 18e siècle, le papier peint faisait l’objet d’une importante production dans plusieurs manufactures anglaises (vers 1760), puis françaises, qui entretenaient des relations commerciales avec l’étranger, et notamment avec la Suisse. Ainsi, on retrouve des papiers peints de provenance française dans différents cantons romands, tels que Fribourg, Vaud ou Neuchâtel. Les papiers peints de la Maison du Tilleul, à Saint-Blaise (NE) offrent un bel exemple de la mode de l’époque, alors essentiellement centrée sur les motifs à chinoiseries, et en arabesque, c’est-à-dire de motifs « aux décorations faites de rinceaux, d’enroulements, de fleurs, de branchages, etc. » (Havard, 1894, p. 116), desquels on exclut en principe toute représentation humaine.
Ici, un vase bleu richement paré d’or se trouve au centre, encadré par différents éléments végétaux, ainsi que des rinceaux. On rencontre également des personnages : des putti entourent le pied du vase, tandis qu’à son sommet, et au-dessous, sont représentés un couple, des jeunes femmes, etc., tous vêtus de draperies à l’antique. Dans son ensemble, le décor se caractérise par la régularité ; il se construit de part et d’autre d’un axe vertical. Le papier peint représenté ici est en fait composé de motifs répétitifs, ajustés aux panneaux de bois lors de la pose.
Le modèle est probablement copié d’après un original d’une célèbre manufacture française : Réveillon, qui obtient en 1784 le statut de Manufacture Royale. Toutefois les spécialistes le jugent d’une qualité nettement inférieure à son modèle, notamment de par la technique utilisée : les motifs sont entièrement imprimés, ce qui n’est pas le cas dans la version originale, où les motifs sont partiellement « peints au lavis d’encre à l’intérieur de contours imprimés » (Papiers peints, 2010-2012, p. 26). Les dimensions diffèrent légèrement, et l’image a été inversée par rapport au modèle. Les papiers peints du petit salon de la Maison du Tilleul proviennent d’une manufacture inconnue, ils sont imprimés à la planche, et composés de dix-huit couleurs différentes. Datés de 1788, les papiers peints du petit salon n’auraient été posés qu’en 1790, et s’inscrivent dans un programme décoratif plus vaste, déployé dans toute la maison. En effet, « le décor ne se borne donc pas au revêtement des parois, mais forme un tout cohérent, s’étendant aux cheminées, tissus (tentures, rideaux, tapis, etc.) et sculptures, auxquels s’ajoutaient probablement gravures et tableaux » (Froidevaux, Piguet, 1998, p. 70). On y trouve un intéressant résumé de ce qui était à la mode au 18e siècle, en matière de décoration. Les motifs joignent des décors floraux aux chinoiseries, en passant par les arabesques, les antiques, etc.
Le papier peint, facile à poser, suivait la mode ; ce type de décors est donc souvent éphémère. On constate ainsi d’importants remaniements opérés dans différentes pièces de la Maison du Tilleul, notamment au 19e siècle. C’est grâce au travail d’Eugène Terrisse, dans les années 1920, que la maison a pu retrouver son décor du 18e. À l’heure actuelle, les strates parfois nombreuses de papiers peints présentes intégralement ou par fragments sur les murs entretiennent une partie de mystère quant à la chronologie de la décoration. Le domaine du Tilleul a changé plusieurs fois de propriétaire au cours de son histoire, mais il se trouvait très probablement entre les mains de Françoise de Marval lors de la décoration du petit salon. Il est également possible qu’il ait déjà appartenu à Philippe-Athanase Fischer, qui en avait fait l’acquisition en 1789.
Froidevaux, Nicole, Piguet, Claire (éd.), Copier coller. Papiers peints du XVIIIe siècle, Neuchâtel : Service de la protection des monuments et des sites, 1998.
Havard, Henry, Dictionnaire de l’ameublement et de la décoration, Paris : Maison Quantin, 1894.
Papiers peints, poésie des murs. Les collections du Musée national suisse, Catalogue d’exposition, Prangins & Zurich : Château de Prangins, 2010-2012.