Le collège des chanoines de Neuchâtel est fondé à la fin des années 1170 par Ulrich II et Berthe, seigneurs de Neuchâtel. Le chantier de l’église collégiale Notre-Dame commence vers 1190. La construction s’étend sur un siècle et témoigne d’une évolution architecturale et stylistique encore visible aujourd’hui sur l’édifice ; du style roman rhénan au gothique bourguignon. En premier lieu, on construit le chevet, le chœur et la base des murs des bas-côtés de la nef, de tradition romane. Après une brève interruption, les travaux reprennent durant le premier quart du 13e siècle en adoptant un style gothique qui trouve ses plus proches équivalents à Lausanne ou Dijon. On procède alors à l’élévation de l’intérieur et des parties hautes de la nef et du transept, tous deux voûtés d’ogive. Un cloître à quatre galeries est aménagé au nord de l’église à la même époque, alors que la souche de la tour sud et le porche d’entrée à tribune sont bâtis en dernier. L’église est consacrée le 8 décembre 1276, mais on y célèbre la messe catholique depuis 1195 déjà. Des travaux interviennent encore au 15e siècle et, après l’adoption du culte réformé en 1530, des modifications mineures sont apportées aux 17e et 18e siècles. Entre 1868 et 1870 intervient une restauration historicisante majeure de l’édifice, qui sous la direction des architectes Léo Châtelain et Ferdinand Stalder, se verra notablement transformé.
Au 12e siècle, le portail sud (portail Saint-Pierre) était l’entrée principale de l’église. Les fidèles étaient accueillis par le tympan figurant Berthe et Ulrich présentant une maquette de l’église à la Vierge et, de part et d’autre du passage, par les statues des pères fondateurs de l’Eglise, à gauche saint Pierre portant la clé, et à droite saint Paul une tablette inscrite entre les mains.
Des statues des apôtres, trois versions sont connues, parmi lesquelles on distingue aujourd’hui les originaux et deux copies probablement contemporaines.
Le couple original, de style roman, est exposé au Musée d’Art et d’Histoire de Neuchâtel. Les deux statues en pied sont sculptées dans du calcaire jaune, fortement érodé et portent de rares traces de polychromie. Les visages sont sévèrement mutilés, mais plis et décors des vêtements comme attributs des apôtres restent lisibles. Ces deux statues ont été déposées en 1868/70 et remplacées par les deux copies actuellement en place, assez librement inspirées des originaux.
Le troisième couple, exposé au Laténium – dans un état de fraîcheur remarquable – figure, sculpté dans du calcaire jaune, la tête de saint Paul et le buste de saint Pierre auréolés, aux visages piquetés. Déposées dans le cloître de la collégiale dans un premier temps, elles sont attestées dès 1898 dans les collections du Musée d’Art et d’Histoire. Il s’agit à l’évidence d’ébauches de copies, fidèles cette fois, des bustes des statues romanes.
Les visages des statues originales ont été mutilés au moyen d’outils lors de la Réforme en 1530. On rapporte que le 23 octobre de cette année, la collégiale est prise d’assaut par des émeutiers, probablement motivés par Guillaume Farel, qui saccagent mobilier liturgique et statuaire. Sur le portail sud, toutefois, les destructions semblent sélectives. Le tympan est laissé intact et seuls les visages des deux apôtres sont mutilés, car sujets d’idolâtrie. Ceci témoigne probablement d’un certain attachement à l’édifice, qui malgré le changement de culte, reste le lieu de baptêmes, mariages et enterrements rythmant les étapes importantes de la vie.
Ces mutilations, dont on s’était arrangé pendant 350 ans, vont motiver le remplacement des statues en 1868/70. On peut supposer que les bustes au Laténium correspondent à un premier essai de copie à l’identique, auquel on aurait renoncé en cours de chantier au profit des copies actuelles au naturalisme bien peu roman. D’autres fac-similés de pièces médiévales ont d’ailleurs rejoints le musée lapidaire de la collégiale à la même époque.
Faccani, Guido, Neuchâtel collégiale, sculpture architecturale, catalogue des blocs sculptés, rapport non publié, août 2014, pp. 33-34, 309-310, 324-325.
Lindner, Arthur, Die Basler Galluspforte und andere romanische Bildwerke der Schweiz, Studien zur deutschen Kunstgeschichte, Heft 17, Strassburg, 1899.
Reiners, Henri, « Les statues de Saint Pierre et de Saint Paul au portail sud de la collégiale, les originaux et les copies », in: Musée Neuchâtelois, 1943, pp. 65-69.
de Reynier, Christian, Église collégiale Notre-Dame de Neuchâtel. Etude archéologique des élévations préalable à la restauration du monument, rapport non publié en dépôt à l’Office du patrimoine et de l’archéologie du canton de Neuchâtel, section patrimoine (OPANpat), mars 2006, pp. 45-46.
Site officiel du chantier de restauration de la collégiale Objets d’une visite thématique au Laténium, menée en mai 2010 par Marion Burkhardt