Le Laboratoire Suisse de Recherches Horlogères (LSRH) a été créé en 1921 par Adrien Jaquerod, professeur de physique à l’Université de Neuchâtel et recteur de l’Université depuis 1919. Son objectif était de contribuer scientifiquement au maintien et à l’essor de l’industrie horlogère suisse. Mais le laboratoire se sent vite à l’étroit dans les locaux qu’il partage avec l’Institut de physique. Sous l’impulsion des grandes organisations horlogères, un nouveau bâtiment est construit pour l’abriter. C’est encore Adrien Jaquerod, directeur du laboratoire, assisté par Henri Mügeli, physicien et président de la Société suisse de chronométrie, qui supervise ce projet de taille, soutenu par les dirigeants des organisations horlogères – parmi lesquels Sydney de Coulon, directeur d’Ebauches SA. L’événement est considérable, comme en atteste le luxueux numéro spécial de La Fédération Horlogère Suisse publié à l’occasion de l’inauguration. Les autorités de la Ville marquent le coup en rebaptisant la rue du Stade « rue Abram-Louis Breguet », du nom du célèbre horloger d’origine neuchâteloise.
Au micro du reporter vedette Marcel W. Suès, dit Squibbs, Adrien Jaquerod, directeur du laboratoire, explique la nécessité de ce nouvel institut, sa structure et les défis relevés lors de sa conception. L’entretien est enregistré sur disque 78t à gravure directe. Comme souvent dans les reportages radio de ces années, questions et réponses sont soigneusement préparées et les textes écrits à l’avance. Mais l’aisance dans le discours d’Adrien Jaquerod le conduit à s’éloigner de son texte et à se perdre au milieu d’une phrase. Sa question : « On ne peut pas couper dans un disque… ? » reçoit une dénégation muette de Squibbs. Le rire franc qui s’ensuit contraste avec le ton universitaire précédemment employé.
Dans ce laboratoire équipé des instruments de physique les plus modernes, l’utilisation de la gravure directe sur disques de cire molle peut paraître anachronique. Il faudra pourtant encore attendre plus d’une décennie pour que cette technique soit remplacée.
Ce nouveau bâtiment, financé à 40% par les collectivités publiques et à 60% par l’industrie horlogère, et qui abrite à la fois le LSRH et l’Institut de physique de l’Université, démontre que la notion de « partenariat public-privé » est un concept assez ancien. En outre, il atteste de manière exemplaire de l’importance croissante prise au 20e siècle par la recherche appliquée pour l’activité industrielle. Ces deux éléments se retrouveront d’ailleurs lorsque le LSRH fusionne en 1984 avec le Centre Electronique Horloger et la Fondation Suisse pour la Recherche en Microtechnique, donnant naissance au Centre Suisse d’Electronique et de Microtechnique (CSEM).
Perret, Thomas, « La recherche appliquée entre industrie horlogère, Etat et Université : le Laboratoire Suisse de Recherches Horlogères (LSHR) de Neuchâtel, 1921-1984. », Revue historique neuchâteloise, 2003, pp. 99-118.
Perret, Thomas, «La physique», in : Histoire de l’Université de Neuchâtel, tome 3, L’Université, de sa fondation en 1909 au début des années soixante, Neuchâtel/Hauterive, Université de Neuchâtel et Ed. Gilles Attinger, 2002, pp. 492-510.
La Fédération Horlogère Suisse, numéro spécial consacré au nouveau bâtiment du Laboratoire Suisse de Recherches Horlogères à Neuchâtel, 5 décembre 1940.
Neuchâtel. Promenades sonores dans le temps d’une ville millénaire, archives radio publiées à l’occasion du Millénaire de la Ville de Neuchâtel.CD + livret de 32 pages. RTS 2011.