Deux événements précipitent l’arrivée de l’indienage dans la principauté de Neuchâtel : l’un date du 22 octobre 1685, c’est la révocation de l’Edit de Nantes (rendu par Henri IV, en 1592, qui offrait depuis près d’un siècle une amnistie religieuse) ; l’autre est un décret pris par Louis XIV le 26 octobre 1686, interdisant la fabrication, la commercialisation et le port de ces tissus. Après Genève (1694), Neuchâtel se met à l’indiennage grâce à Jean Labran et à son commanditaire, Jacques Deluze, réfugié français, installé à Neuchâtel. L’expérience commence à Chézard-Saint-Martin, au bord du Seyon, puis se déplace dans la Basse Areuse (La Poissine, Le Bied).
Selon la notice qui les accompagne, ces deux coupons ont été fabriqués par Jean Labran. Ils présentent des sujets régionaux : fleurs (œillet) et fraisier (avec des fruits). Le coton est assez grossièrement tissé. Le dessin est imprimé en noir et blanc ; le rouge et le vert peuvent avoir été mis au pinceau. Seule une analyse permettrait de connaître le principe actif du colorant.
Les tissus servaient à l’habillement et comme garniture de meubles. La petitesse de l’échantillon ne permet pas d’affirmer de façon péremptoire l’usage exact de ce coupon. Certes dans la région, la nécessité de se vêtir l’emporte sur celle de l’embellissement d’un intérieur vau-de-reu.
L’authenticité de ce document unique mérite d’être posée. Fritz Tripet (1843-1907), le donateur, originaire de Chézard-Saint-Martin, enseigna la botanique à l’Académie, il étudia donc les plantes tinctoriales régionales et ce témoignage de la genèse de l’indiennage l’a sans doute intéressé.
Maurice Evard, Odyssée aux confins de l’indiennage, Editions de la Chatière, 2013.