Dans la baie d’Auvernier, les campagnes de fouilles liées à la construction de l’autoroute A5 ont révélé l’établissement de plusieurs villages lacustres datés du Néolithique et de l’âge du Bronze. Le site d’Auvernier-Nord, sur la commune d’Auvernier, a fait l’objet de fouilles lacustres et terrestres de 1971 à 1975. Plus de 700 pieux, datés par la dendrochronologie, situent la construction et l’occupation du village entre 878-850 av. J.-C. Composé d’une soixantaine d’habitations construites principalement en chêne, en frêne et en sapin blanc, le village était délimité en direction du lac par une palissade servant de brise-lames. Par la suite, les lieux ont été progressivement abandonnés, ses occupants se déplaçant pour reconstruire ailleurs.
Les 150 paniers découverts à Auvernier-Nord constituent à ce jour l’un des plus importants ensembles de la vannerie pré- et protohistorique européenne. Ce corpus exceptionnel, tant au niveau de l’excellente conservation des vestiges¹ que de la variété des formes, documente un artisanat s’inscrivant dans une tradition plurimillénaire ! Généralement apparentée aux réalisations textiles, la vannerie ne requiert toutefois pas l’emploi d’un métier à tisser afin de réaliser récipients, peignes, boîtes, tamis, sacs et éléments de vêtements souples.
¹ Les artefacts n’ont pas été reconstitués ! Prélevés parfois avec les sédiments du gisement, ils ont été nettoyés, lyophilisés et consolidés.
Ce panier (en bas sur la photo) a été assemblé avec de fines baguettes d’osier. Pour les vanneries du village contemporain d’Hauterive-Champréveyres, l’identification botanique a démontré que l’on avait principalement utilisé les essences d’aulne et de saule.
Ce panier est de type clayonné à structure spiralée² : il est construit par l’enchevêtrement de brins sur des tiges verticales fixes, rayonnantes depuis le fond. Deux types de « tressage » sont utilisés : celui du tissé-toilé, soit un pris-un laissé superposés, et celui du cordé à deux à trois brins, soit une torsion de plusieurs brins enserrant les montants. La forme circulaire du fond détermine celle du récipient : la superposition de quelques bâtons joints forme une croisée de huit branches, autour de laquelle sont fixés en spirale des brins passés alternativement sur et sous les bâtons. Parmi les techniques d’arrêt des brins, celle dite du crocane a été utilisée : les départs de brins sont cachés sous le fond ou sur la partie interne des flancs du panier. Pour la bordure externe, non conservée, on bloque les brins en les intégrant aux rangs inférieurs de la paroi, soit progressivement en torsade (bords cordés ou enroulés), soit en repliant leur extrémité, glissée à la verticale le long d’un montant ou rayon (natte).
Le vannier a employé des baguettes d’épaisseurs différentes, ce qui accentue les cercles concentriques dans un effet esthétique. Dans le cas d’autres paniers de l’ensemble d’Auvernier-Nord, l’utilisation de baguettes de couleurs différentes, peut-être imprégnées d’un mordant, crée des jeux de bichromie (bandes parallèles, damiers).
² La terminologie utilisée est celle de la vannerie moderne.
Sur les sites archéologiques, la relative rapidité de dégradation des matières organiques induit généralement une rareté de ces artefacts. Cette faiblesse documentaire est toutefois compensée par la richesse des sites lacustres, dont les matériaux ont été conservés lorsqu’ils ont été immergés dans un milieu sans oxygène.
Après l’ensemble de vanneries d’Auvernier-Nord, celui d’Hauterive-Champréveyres, constitué d’une vingtaine de fragments, est également spectaculaire. Son étude a contribué à définir les techniques de vannerie utilisées durant le Bronze final palafittique. On observe une perpétuation des formes et techniques : celle dite de la vannerie clayonnée à structure spiralée, utilisée pour ce panier, existe depuis la fin du Néolithique (exemplaire retrouvé à Auvernier-Port daté vers 3’800 av.- J.-C.) Ce type de vannerie clayonnée inaugure la technique de base utilisée encore aujourd’hui dans la confection de corbeilles et de paniers modernes !
Arnold, Béat, « Les 24 maisons d’Auvernier-Nord (Bronze final) », Jahrbuch der Schweizerischen Gesellschaft für Ur- und Frühgeschichte, 1983, vol. 66, pp. 87-104.
Egloff, Michel, « Le panier du cueilleur : étapes de la vannerie préhistorique en Europe », Jahrbuch des Bernischen Historischen Museums, Bern, 1985 (1983/1984), Jg. 63/64, pp. 81-87.
Egloff, Michel, « Recherches subaquatiques dans la baie d’Auvernier », Helvetia archaeologica, Basel, 1972, n° 9, pp. 3-12.
Pillonel, Daniel, Technologie et usage du bois au Bronze final, Hauterive : Office et musée cantonal d’archéologie de Neuchâtel, 2007, Collection Archéologie neuchâteloise 37.
Objet d’une visite thématique au Laténium, menée en janvier 2011 par Anna Chiara Sais : https://www.rts.ch/decouverte/dossiers/2010/lacustres_objet-du-mois/2892077-les-vanneries-d-auvernier-nord.html (dernière consultation le 27.03.19)