Au 18e siècle, La Chaux-de-Fonds qui compte environ 1900 âmes, se trouve à son apogée d’autosuffisance alimentaire. En effet, la production céréalière locale suffit à nourrir la totalité des habitants. Probablement en raison du développement industriel, la population augmente énormément, alors que la surface consacrée à la culture des céréales diminue. De nombreux Montagnons (nom donné aux habitants des montagnes neuchâteloises) louent leurs terres à des fermiers souvent originaires du canton de Berne, notamment de l’Emmental. Ceux-ci privilégient l’élevage au détriment de la culture. En effet, le bétail nécessite moins de travaux que les céréales, il souffre moins des rigueurs du climat et n’est pas pénalisé par la dîme. Le désintérêt des Chaux-de-Fonniers pour l’agriculture est sans doute dû à l’attrait de l’horlogerie.
Au premier plan à gauche, un homme conduit, sur une petite route bordée de sapins, une charrette chargée d’une lourde cargaison tirée par deux chevaux. Au second plan à droite, des chevaux paissent dans une prairie située devant les Moulins de la Ronde, construits vers 1670. Propriété de Moïse Perret-Gentil (père du célèbre constructeur chaux-de-fonnier) depuis 1749, ces moulins comptent deux paires de meules et une scie (petite maison en bois), dont les rouages souterrains sont actionnés par les eaux de la Ronde. Homme entreprenant, qui possède déjà les Moulins Calame situés sous les Planchettes, Moïse Perret-Gentil, a totalement repensé ces moulins pour en augmenter la capacité. Aux environs des moulins, des personnes vaquent à leurs occupations. Au dernier plan, nous distinguons la silhouette du village de La Chaux-de-Fonds et des collines boisées.
L’artiste n’a pas représenté le village et ses activités artisanales. Il s’est plutôt attaché à présenter les activités agricoles. Bien que l’attrait de l’horlogerie ait une grande influence sur le développement du village, celui-ci a encore, au 18e siècle, un côté très rural. La production locale nourrit le village et cela grâce à l’émigration des paysans étrangers (des cantons alémaniques principalement) qui remplacent les indigènes se tournant volontiers vers l’industrie horlogère.
En 1783, un groupe de citoyens, soucieux de l’approvisionnement en grain et du maintient d’un prix bas pour les céréales, fonde la Chambre des blés. En 1784, ce groupe construit un vaste grenier qui occupe les numéros 30 et 30b de la rue qui porte son nom. Lors des années de crises alimentaires, les réserves du village sont insuffisantes. En temps normal, les ressources financières manquent pour constituer des stocks et la situation empire lorsque le prix du blé augmente. Des délégués sont alors envoyés sur des marchés lointains (Bâle, Shaffhouse, Souabe, etc.) pour faire des achats de grain massifs et coûteux.
Cop, Raoul, Histoire de La Chaux-de-Fonds, Le Locle : G d’Encre, 2006.
Cop, Raoul, Moulins oubliés du haut jura neuchâtelois: histoire, fonctionnement, inventaire, La Chaux-de-Fonds: chez l’auteur, 1990.