Hermann Theodor Früauf (1810-1844), né en Saxe, réside au Locle de 1830 à 1832 afin de faire un apprentissage en horlogerie. Il travaille dans divers ateliers, notamment celui de Frédéric-Louis Favre-Bulle (1770-1841), un des grands noms de l’horlogerie locloise. Dessinateur habile, il profite de ses loisirs pour prendre des croquis du Locle et des environs ; il les envoie ensuite à sa famille, domiciliée alors en Hollande. Les dessins reviennent finalement à une des sœurs d’Hermann Theodor, qui part vivre dans une colonie morave de Pennsylvanie. En 1882, elle y rencontre Théophile Richard, Neuchâtelois et directeur du pensionnat de Montmirail. Il est si séduit par les dessins que Mlle Früauf les lui offre. C’est ainsi que 29 dessins de Früauf reviennent en pays de Neuchâtel, puis au Locle.
En 1830-1832, Le Locle est encore un village construit de bric et de broc autour du Temple et le long du Crêt-Vaillant. Sur ce dessin, le spectateur se situe à l’ouest du Locle, à peu près à l’emplacement de la rue des Envers. La tour du Temple est bien visible. L’Hôtel des Trois-Rois et à droite la Chambre d’éducation apparaissent devant. Cet ancien Locle n’a plus longtemps à vivre.
Le 24 avril 1833, à trois heures du matin, le feu prend à l’auberge de la Couronne. Il se propage avant même l’intervention des secours. Lorsque le feu est enfin maîtrisé, 45 maisons sont détruites. 117 ménages, donc plus de 500 personnes, n’ont plus de toit. Sitôt le désastre passé, la population cherche des coupables : les déçus de la Révolution de 1831 ainsi que les opposants à la foi piétiste de Marie-Anne Calame et de son cénacle sont évoqués. L’enquête menée par le maire Nicolet ne découvre rien de concret.
Cet incendie n’est pas le premier que subissent les Loclois. En 1683, une première catastrophe a détruit la cure, la maison de ville et 24 habitations. Six maisons partent encore en flammes lors d’un deuxième incident survenu en 1765. L’incendie de 1833 est pourtant de loin le plus grave. Il crée un tel traumatisme que des mesures sévères sont ensuite prises. Dès le 22 juillet 1833, un Règlement pour la police des constructions est sanctionné par le Conseil d’Etat. Il fixe des règles précises : alignement des immeubles, matériaux imposés, galeries et saillies interdites. La même année, on adopte le plan de reconstruction de Charles-Henri Junod. C’est donc un nouveau village, régulier et ordonné qui prend forme sur le plan orthogonal conçu par le géomètre.
Calame, Caroline, Le Locle et ses environs en 1830, : dessins d’un apprenti horloger, Hermann Früauf, Neuchâtel : Nouvelle Revue neuchâteloise, 2012, pp. 10-11, 23.
Jeanneret, Jean-Daniel, dir., La Chaux-de-Fonds, Le Locle : urbanisme horloger, Le Locle : G. d’Encre, 2009, pp.83-85.
Faessler, François, Histoire de la ville du Locle : des origines à la fin du XIXe siècle, Neuchâtel : La Baconnière ; Le Locle : Glauser-Oderbolz, 1960, pp. 65-66, 117-118.