S’il existe auparavant dans les châteaux de la région, le poêle fait son apparition courante dans les demeures bourgeoises et paysannes au XVIIe siècle. Il constitue le centre de la vie familiale : placé dans la chambre commune (à laquelle il donne son nom), il voit toute la famille se réunir autour de lui durant la période hivernale. Du point de vue formel, les carreaux en reliefs (que l’on trouvait sur les poêles des châteaux) sont abandonnés au profit de carreaux de faïence plats, décorés de motifs végétaux. Une industrie locale se met en place et les principaux poêliers du Val-de-Travers, de Peseux, de Saint-Blaise ou de La Neuveville fabriquent et vendent leurs productions dans toute la région. Dans le courant du XVIIIe siècle, le corps des poêles, dont l’extrémité était en demi-cercle, adoptent une forme rectangulaire aux bords arrondis.
Daté du tout début du XIXe siècle, le corps de ce poêle est couvert de grands carreaux verts unis. La partie supérieure est formée de carreaux blancs ornés de dessins peints en noir qui représentent des scènes de genre, ainsi que, sur la partie frontale, une effigie de Frédéric II à cheval. La corniche est décorée de motifs végétaux et porte l’inscription « Girardier lieutenant à Brot 1800 » dans un cartouche.
Le cartouche ne désigne pas le nom de l’auteur du poêle, mais bien celui de son propriétaire. Isaac-Pierre Girardier, né en 1759, est lieutenant, puis capitaine de la compagnie de milices de Rochefort. Il devient par la suite propriétaire de l’auberge de la Couronne à Brot. Il est possible que ce poêle provienne de Brot. En 1966, dans un article du Musée neuchâtelois, Hugues Jéquier signale un poêle très semblable, orné lui aussi du portrait équestre de Frédéric II, et portant la signature d’un poêlier de Saint-Sulpice, Charles-Louis Du Bois Du Terraux. Il y a de fortes chances que les deux poêles, portant la même date, aient été commandés en même temps pour l’auberge de la Couronne.
Godet, Alfred, « Une famille de poêliers au XVIIIe siècle », Musée neuchâtelois, 1885, pp. 113-121, 165-171.
Godet, Alfred, « Les poêles à moulures polychromes et monochromes de notre canton », Musée neuchâtelois, 1886, pp. 149-158, p. 182-191.
Jéquier, Hugues ; Schnegg, Alfred, « Fabricants de poêles peints au Val-de-Travers », Musée neuchâtelois, 1966, pp. 42-44.
Courvoisier, Jean, Les monuments d’art et d’histoire du canton de Neuchâtel, tome III, Bâle : Ed. Birkhäuser, 1968, pp. 414-416.