Balthasar-Corneille Lüthard (1780-18 ??) né à Beromünster, organiste et relieur, arrive au Locle au tout début du 19e siècle ; il est engagé comme organiste au Temple en 1804. En 1805, il demande aux autorités du Locle la permission d’éditer une feuille d’avis hebdomadaire. Le maire du Locle transmet la requête au Conseil d’Etat en soulignant que les autorités sont favorables à ce projet. La réponse est positive, à condition que ne paraisse aucun article blessant la religion ou les bonnes mœurs ou touchant à la politique. Le maire devra contrôler et autoriser chaque page imprimée. Si La Feuille d’avis des Montagnes remporte l’adhésion du public, la vie privée de son éditeur cause, au contraire, le scandale. Père d’enfants illégitimes, refusant de se mettre en règle, Lüthard est chassé par le Conseil d’Etat en 1818. Ainsi, le numéro du 25 avril 1818 porte la signature de Philippe Courvoisier.
Le premier numéro de La Feuille d’avis des Montagnes est daté du 12 avril 1806. Il a cependant été précédé d’un numéro de lancement humoristique, intitulé « Feuille d’avis des Montagnes de Sibérie daté du 26e jour de la 2e lune de l’année après la fondation du Châtelard 2440 ». L’hebdomadaire se compose d’une feuille imprimée recto-verso sur deux colonnes. Le titre, grand et aéré, est orné d’une corne d’abondance au niveau de la date. L’abonnement pour cette première année incomplète coûte 21 batz ; en 1807, il sera de 31 batz ½. La Feuille d’avis est uniquement une feuille d’annonces, comportant offres de ventes et d’achats, montes, demandes et offres de services, objets perdus et recherchés. On constate que ce premier numéro propose, dans les Avis divers, les services du chapelier Philippe Courvoisier.
Chapelier de profession le Loclois Philippe Courvoisier (1777-1854) obtient en 1818 l’autorisation de reprendre l’imprimerie. Sous son impulsion, la Feuille s’ouvre à l’information avec des rubriques « Correspondance » ou « Variétés », mais toujours sans aborder la politique. Le format s’agrandit et l’impression passe sur trois colonnes en 1835. En 1843, il remet l’affaire à son fils Eugène (1805-1868). Formé dans l’imprimerie, celui-ci modernise le journal en acquérant du nouveau matériel et enrichissant son contenu. Dès 1843, il publie en fin d’année une rétrospective ; en 1845, il insère les « Faits et événements de la semaine ». Lors d’un voyage à Paris, il prend conscience de l’impact du feuilleton sur les lecteurs et, dès 1845, offre aux Loclois Le Comte de Monte-Cristo. La « suite au prochain numéro » connaît un succès formidable et accroît la notoriété du journal. Il devient bi-hebdomadaire en 1856. En 1862, la Feuille passe aux mains de ses fils, Alexandre et Paul. Tous deux créeront en 1881 L’Impartial, qui absorbera la Feuille d’avis des Montagnes en 1967.
Tissot, Pierre-Yves, « Les débuts de l’imprimerie dans les Montagnes neuchâteloises, des origines à 1848 », in : Aspects du Livre neuchâtelois, Neuchâtel : Bibliothèque publique et universitaire, 1986.