Le sujet de ces deux œuvres représente la transfiguration de Jésus, apparaissant à ses disciples dans une clarté miraculeuse sur le Mont Thabor. Cet événement leur révèle sa nature de messie envoyé par Dieu, et prélude sa venue à Jérusalem. La Transfiguration de Raphaël est un chef-d’œuvre universel. L’épisode, raconté dans les Évangiles (Matthieu 17, v. 1-9 ; Marc 9, v. 2-10 ; Luc 9, v. 28-36), est représenté dans un double moment : la Transfiguration de Jésus et la guérison d’un jeune malade. Ces deux épisodes se déroulent à la suite l’un de l’autre, mais sont ici figurés sur un même espace.
Dans la partie supérieure du tableau, le Christ se métamorphose en corps de lumière devant trois de ses disciples. Ceux-ci, Pierre, Jacques et Jean, sont étendus à ses pieds. La voix de Dieu se fait entendre de la nuée entourant Jésus : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir. Écoutez-le ! » (Matthieu, 17 v. 5.). Au côté de Jésus apparaissent Moïse, tenant les Lois avec le prophète Élie, dialoguant avec lui. À l’extrême gauche du tableau, on remarque deux saints blottis dans les buissons ; leur identification pose problème (il peut s’agir de Saint Just et de Saint Pasteur, dont la fête tombe le même jour que la Transfiguration). La partie inférieure du tableau représente la guérison d’un jeune homme malade (Matthieu 17, v. 14-21 ; Marc 9, v. 14-29 ; Luc 9, v. 37-43). Neuf apôtres côtoient la foule préoccupée par le sort du jeune garçon.
Abraham Girardet, célèbre graveur neuchâtelois, n’en est pas à sa première œuvre lorsqu’il élabore la reproduction au burin de la Transfiguration : il commence la gravure dès ses douze ans aux côtés de son père, éditeur important dans la région neuchâteloise. Il a pu découvrir le tableau de Raphaël dans les galeries du Louvre, parmi les chefs-d’œuvre spoliés par Napoléon durant la campagne d’Italie. Commandée par Napoléon dans le cadre du catalogue du Musée français, la reproduction de Girardet sera ensuite présentée au Salon de 1806, où elle obtiendra un grand succès. La technique utilisée, le burin sur cuivre, relève de la pratique la plus noble de la gravure.
Le neveu d’Abraham Girardet, Charles Samuel, tente à son tour de restituer le chef-d’œuvre célèbre dans un médium tout nouveau sous l’Empire, la lithographie. Celle-ci permet la reproduction rapide et à moindre coût d’œuvres d’art dont la diffusion fait connaître à tous les grands maîtres de l’art de la Renaissance. Chef-d’œuvre reproduisant un autre chef-d’œuvre, la Transfiguration des Girardet sera, tout comme l’œuvre de Raphaël, un des plus importants manifestes de leur virtuosité artistique.
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