Jacques-Frédéric Houriet (1743-1830) est considéré comme ayant été le principal promoteur d’une mesure du temps la plus exacte possible (chronométrie) au Locle au tournant du 19e siècle. L’horloger y connut une grande célébrité de son vécu, d’autant qu’il était lié par mariage à l’une des familles de négociants horlogers les plus influentes de la région (les Courvoisier). Il entretenait des contacts suivis avec de prestigieux chronométriers : Julien Le Roy, à Paris, chez lequel il avait effectué son apprentissage et qui l’avait orienté sur la voie de la chronométrie, les frères Frédéric et Louis Berthoud, Abraham-Louis Breguet, ou encore Urban Jürgensen, qui devint son beau-fils. Ce sont en particulier ses recherches dans le domaine de l’isochronie du balancier, en lien avec une mesure du temps la plus régulière possible, qui lui valurent sa renommée.
Ce tableau, réalisé par le portraitiste loclois Louis-Aimé Grosclaude (1784-1869), représente Jacques-Frédéric Houriet (1743-1830) à son établi. Il s’agit probablement d’une commande de Jacques-Frédéric Houriet lui-même.
Au centre de la toile, Jacques-Frédéric Houriet, confortablement assis sur une chaise, fait face au spectateur. D’une main, il tient ses lunettes. Son autre main repose sur son établi, que Louis-Aimé Grosclaude reproduit fidèlement. Sur la surface de travail, on aperçoit un étau, des limes et une pince d’horloger, un migros monté sur un support, et surtout une potence à régler les balanciers-spiraux : toutes sortes d’outils attestant des activités d’horloger-chronométrier de Jacques-Frédéric Houriet. Une vitrine, accrochée au mur qui fait l’angle avec son établi, offre une protection aux futurs chronomètres en travail ou en observation. Chronomètres élaborés dans son atelier et certainement destinés à être vendus depuis le Comptoir Houriet. Derrière le bras droit de Jacques-Frédéric Houriet, on aperçoit pour finir une horloge de précision (régulateur) qui occupe toute la hauteur du tableau et reproduit, là encore, un régulateur bien réel : celui que l’horloger a élaboré à la fin de ses études de chronométrie. Les couleurs utilisées pour peindre le tout, d’une grande sobriété, sont rehaussées par quelques pointes jaune-or. Au dos du tableau, deux étiquettes attestent d’un don du tableau à Jules Jürgensen (petit-fils de Jacques-Frédéric Houriet), puis de son legs au Musée du Locle.
Tout en soulignant le rang social élevé de Jacques-Frédéric Houriet, habillé des vêtements réservés à l’élite des Montagnes neuchâteloises, Louis-Aimé Grosclaude laisse plus du tiers de la surface de la toile vierge d’objets. Un geste pictural qui lui permet de concentrer le regard prioritairement sur les acquis professionnels de son commanditaire. En entourant ce dernier de ses attributs caractéristiques, il réalise un portrait « biographique », en quelque sorte, de Jacques-Frédéric Houriet. C’est en arrière-plan du tableau, inséré entre l’atelier et son horloger, que se trouve l’objet jugé comme étant le plus représentatif de l’œuvre de Jacques-Frédéric Houriet : le régulateur de précision dont il avait dirigé la conception à la fin de sa formation, à Paris, et qu’il utilisa dit-on jusqu’à la fin de sa vie pour contrôler et régler la marche de ses chronomètres. Régulateur racheté par la suite par Ulysse Nardin pour remplir le même office, avant de rejoindre le Musée d’horlogerie du Locle, où régulateur et tableau figurent côte à côte.
Barrelet, Jean-Marc, «De la noce au turbin: famille et développement de l’horlogerie aux XVIIIe et XIXe siècles», Musée neuchâtelois, 1994, pp. 213-226.
Berner, Albert, Ditisheim, Paul, « Les horloges de précision » [chapitre XIII], in : Chapuis, Alfred, Histoire de la pendulerie neuchâteloise, Genève : Slatkine, 1983, pp. 357-381.
Chapuis, Alfred, « Notes biographiques et index », in : Chapuis, Alfred, Histoire de la pendulerie neuchâteloise, Genève : Slatkine, 1983 [1917], p. 430.
Sabrier, Jean-Claude, Jacques-Frédéric Houriet, 1743-1830, Chézard-Saint-Martin : Ed. de la Chatière ; Cernier : Ed. Simonin, 2006, pp. 7-16 ss.; p.23.
Volorio Perriard, Myriam, « Jacques-Frédéric Houriet », Dictionnaire historique de la Suisse, consulté le 29.04.2008.