Durant la guerre franco-allemande, l’armée de l’Est commandée par le général Bourbaki est refoulée sur la frontière helvétique et doit demander l’internement à la Suisse en janvier 1871. 87’000 soldats sont accueillis dans les différents cantons. Après la capitulation de la France et la signature de l’armistice le 28 janvier 1871, ces dizaines de milliers de soldats sont rapatriés chez eux.
Entre le 20 et le 22 mars 1871, une soixantaine de convois ferroviaires acheminent plus de 60’000 soldats vers les frontières, pendant que les autres sont transportés par bateaux. Le soir du 22 mars, à 20 heures, un milliers de soldats français ayant embarqué à Soleure dans un convoi formé de 17 wagons passent par Neuchâtel en manifestant gaiement leur joie de rentrer chez eux. Poursuivant sa route, le train arrive à la hauteur de Colombier. Une erreur d’aiguillage provoque une collision avec un train de marchandises chargé de houille, stationné sur une voie de garage. L’accident provoque 22 morts et 72 blessés. Le sauvetage des blessés est d’autant compliqué que la catastrophe est survenue en pleine nuit.
Prise probablement le lendemain de l’accident, la photographie montre la violence du choc. La composition hétéroclite du convoi (les voitures sont de modèles différents) explique les importants dégâts matériels. Leur plateforme et leurs tampons ne se trouvent pas exactement à niveau, provoquant la superposition les uns sur les autres des trois premiers wagons. Le wagon sur lequel se distingue encore l’inscription « III classe » a été enfoncé par la droite par un fourgon presque vide. Dans le même temps, le wagon qui le suivait a broyé avec son train de roue avant toutes les parois de la voiture, écrasant les 72 soldats qui s’y trouvaient.
Ce drame marque fortement les esprits. C’est la première grande catastrophe ferroviaire de Suisse qui met en évidence les lacunes existant encore en matière de sécurité, notamment dans la gestion des aiguillages et du matériel ferroviaire. L’Express souligne ce fait dans son article du 25 mars: « Comment se fait-il qu’un service si important soit confié à un seul homme! Pourquoi ce service n’est-il pas mieux contrôlé, contrôlé sérieusement, et plutôt deux fois qu’une? Il y a ici dans l’exploitation de nos chemins de fer une lacune qui nous a toujours paru très regrettable ». Le contexte inhabituel du transport des internés qui avait nécessité la modification des horaires sur tout le réseau de la Suisse occidentale et l’ajout d’un grand nombre de convois, a probablement aussi joué un rôle.
Even, Dunvel, « La gestion d’une compagnie de chemin de fer », in: En voitures! L’arrivée du train en terre neuchâteloise, Neuchâtel: Editions Alphil et Musée d’art et d’histoire, 2004, pp. 13-15.
Ladame, Henri, Accident de Colombier. Rapport présenté au Tribunal civil de Boudry, Neuchâtel, [s.n.], 1871.
L’Express, 25 mars 1871.
Le véritable Messager boiteux, 1872, pp. 34-35.