Pour le chrétien, la mort d’un fidèle s’accompagne, au Moyen Age, de prières d’intercession, adressées à Dieu en faveur du défunt pour le salut de son âme. Toute la communauté est invitée à y participer, manifestant ainsi une solidarité spirituelle avec le disparu. Afin de garantir ces prières et d’assurer ainsi leur salut après la mort, des fidèles lèguent à cette attention une partie de leurs biens en faveur d’une institution religieuse. Cette dernière a ensuite la charge de réciter des prières ou célébrer des messes à l’intention des défunts. Ces donations, que l’on appelle fondation, peuvent donner lieu, selon leur importance, à des services quotidiens, hebdomadaires, mensuels, voire à des intervalles plus éloignés. Afin de n’oublier aucun des ces donataires, une liste en est dressée. Elle est annexée au bréviaire et au missel, avec les noms des martyrs et des saints (le martyrologe). Le livre sur lequel figurent les jours anniversaires (obit en latin) de la mort des donataires prend le nom de nécrologe ou obituaire. L’abbaye de Fontaine-André, située à proximité de la ville de Neuchâtel, possédait son obituaire.
L’obituaire est écrit en latin, en écriture gothique, sur du parchemin. Le calendrier ecclésiastique, dont les dates sont écrites en lettres, est établi selon l’usage du calendrier romain ancien, le calendrier julien. Chaque date, soigneusement manuscrite, commence par une caricature, en couleur, comportant des visages anthropomorphes et zoomorphes. Les pages sont reliées et renfermées dans une couverture en bois recouverte de cuir. Le cuir est marqué d’une frise représentant une chasse, sur laquelle des chiens poursuivent des cerfs.
L’abbaye de Fontaine-André, fondée avant 1143 par des moines de l’ordre des Prémontrés, reçoit de nombreuses donations en terres ou en dîmes, ce qui fait d’elle l’une des plus importantes et des plus riches institutions ecclésiastiques du pays, avec le chapitre collégial de Neuchâtel et le prieuré de Môtiers. Une certaine rivalité s’instaure donc entre elles, notamment entre le chapitre collégial et l’abbaye de Fontaine-André. Un article de la charte de franchises de Neuchâtel, octroyée en 1214, interdit d’ailleurs aux bourgeois de la ville de tester en faveur des moines prémontrés. En 1375, l’abbaye est incendiée et détruite par les troupes du seigneur de Coucy. Réfugié provisoirement à Humilimont, dans le pays de Fribourg, le chanoine Jacob Regis, de Morat, recopie le précieux obituaire. Après le retour des moines à Fontaine-André, l’obituaire est continué et tenu à jours régulièrement. Il permet de connaître les anniversaires à célébrer chaque jour, les revenus liés à ces célébrations et les distributions qui l’accompagnent.
Courvoisier, Jean, Les monuments d’art et d’histoire du canton de Neuchâtel: les districts de Neuchâtel et de Boudry, Bâle: Birkhäuser, 1963, pp. 21-22.
Lemaître, Jean-Loup, Marot, Pierre, Répertoire des documents nécrologiques français, Paris: Imprimerie nationale, 1980-2008.
Lemaître, Jean-Loup (dir.), L’Église et la mémoire des morts dans la France médiévale: communications présentées à la table ronde du CNRS, 14 juin 1982, Paris: Études augustiniennes, 1986.Matile, Georges-Auguste, Musée historique de Neuchâtel et Valangin, tome II, 1841-1845.