Cette sandale en écorce et liber de chêne a été trouvée à Saint-Blaise/Bains des Dames. Comme c’est le cas de nombreuses autres stations lacustres neuchâteloises, le site est découvert à la fin du 19e siècle, lors de l’abaissement artificiel du lac, suite à la première Correction des eaux du Jura. Entre 1986 et 1988, il fait l’objet de fouilles de sauvetage programmées, sur une surface de 3600m2, lors de la construction de l’autoroute A5 sur le littoral neuchâtelois.
Grâce à la dendrochronologie, quatre phases d’habitat du site de Saint-Blaise/Bains des Dames se distinguent, s’étendant de 3139 à 2560 ans av. J.-C. et couvrant ainsi la totalité du Néolithique final régional (Horgen, Lüscherz récent, Auvernier-Cordé ancien et récent). Dans les villages successifs, les maisons étaient construites parallèlement à la rive et organisées en deux rangées, protégées dès environ 2700 av. J.-C. par une palissade brise-lames. Pour se mettre à l’abri des fluctuations saisonnières du lac, l’habitat était vraisemblablement surélevé.
Cette sandale est réalisée en vannerie tissée à brins serrés. Concernant les principes de cet artisanat, nous renvoyons le lecteur curieux à l’une de nos précédentes notices sur un panier en vannerie issu de la station lacustre d’Auvernier-Nord. La sandale découverte à Saint-Blaise/Bains des Dames ressemble à une mule recouvrant la partie avant du pied. L’arrière est ouvert et l’attache se situe au niveau de la cheville, au moyen de petites cordelettes dont quelques fragments sont conservés.
Elle est composée de sept montants, qui servent à la fois à façonner le fond et les flancs. Les montants sont composés d’épaisses lanières de liber de chêne, d’environ 10 à 20 mm de largeur, dont l’écorce a été totalement arrachée. Le liber correspond à la partie située entre l’écorce et le tronc. Les brins sont réalisés dans des lanières plus étroites, d’environ 5 à 10 mm d’épaisseur. Lors de sa découverte, la sandale contenait un amas de courtes lanières, semblables dans leur structure aux brins de la chaussure. Il ne s’agirait pas d’une réserve de lanières prêtes à être utilisées, mais plutôt d’un solde restant après la réalisation de l’objet. Ceci laisse supposer que la sandale est peut-être neuve et n’a jamais été portée !
La grandeur du pied néolithique qui a porté cette sandale est d’environ 23 à 24 cm de longueur et de 8 cm de largeur, soit un petit pied qui correspondrait à une taille actuelle 36-38. Il s’agit probablement d’un pied droit, d’après l’élargissement observé sur le rebord droit de la sandale qui correspond à la volonté de donner la forme du pied à la chaussure.
Une Cendrillon néolithique aurait-t-elle donc perdu sa sandale ? A Saint-Blaise/Bains des Dames, trois autres exemplaires (SB-1063, SB-1036 et SB-1059) ont été découverts, mais ne correspondent malheureusement pas à l’élément gauche de celle décrite ici. Également en lanières d’écorce et de liber, ils sont fragmentés et moins bien conservés. L’un d’entre eux (SB-1059), en vannerie tissée à brins serrés, aurait appartenu à un enfant d’après sa petite taille (17,5 cm de longueur pour 8 cm de large).
Le Néolithique final de la Suisse est riche d’éléments en vanneries, celles-ci s’étant conservées de manière exceptionnelle dans les sites lacustres. Une grande partie des vestiges textiles sont constitués de liber, principalement de chêne, tilleul et saule. Si ces essences ont majoritairement été identifiées par les archéobotanistes, ce ne sont certainement pas les seules à avoir été employées. Chaque liber possède ses qualités propres de résistance et de dureté et se conserve différemment selon les conditions locales d’enfouissement.