La publication des Indicateurs horlogers est lancée dès les années 1840. Ils changent plusieurs fois de dénomination, à mesure qu’ils prennent de l’ampleur. D’abord titrés : Almanach de commerce des Montagnes […] (se limitant à La Chaux-de-Fonds, au Locle et aux communes avoisinantes), ils deviennent notamment Indicateur général de l’horlogerie suisse et des régions limitrophes puis Indicateur suisse de l’horlogerie et branches annexes, acquérant au passage le surnom « Indicateur Davoine » (du nom de l’un de ses éditeurs). Ces indicateurs ou annuaires se révèlent particulièrement utiles dans le cadre d’une industrie horlogère suisse « éclatée ». En effet, plutôt que d’y être concentrées sous un même toit, au sein de manufactures de grande envergure, les opérations de production ont davantage tendance à être distribuées au sein de vastes réseaux de sous-traitance. Les protagonistes de l’horlogerie suisse auront donc la possibilité d’avoir recours à ces annuaires pour trouver auprès d’ateliers de petite ou moyenne taille, familiaux ou employant une main-d’œuvre spécialisée, de quoi entreprendre la réalisation de telle ou telle partie du garde-temps, ou même des pièces de machines servant à les produire.
Les Indicateurs horlogers suisses répertorient sous-traitants et manufactures de l’horlogerie et de ses branches annexes ou apparentées. A l’intérieur, le classement principal s’effectue par lieu (canton puis commune et parfois par rues), puis par spécialité, puis enfin par nom. Sous chaque nom figurent les coordonnées de l’entité inscrite. Dans le cas des très petites localités, ces entités sont classées par lieu puis par nom suivi d’une indication de la spécialité. On trouve également dans ces Indicateurs, selon les années, des tableaux des droits de douane, des résumés des dispositions légales pour le contrôle des ouvrages en métaux précieux, une liste des consulats et centres d’information suisses à l’étranger, un annuaire des marques de fabrique déposées… ou même un lexique, et des index permettant de varier les angles de recherche (par marque de fabrique ou par spécialité). Les Indicateurs renferment encore de nombreuses publicités de maisons horlogères ou de fournisseurs, précieuses pour apprécier la santé économique des entreprises et analyser les termes utilisés selon les époques pour promouvoir chaque entreprise. D’après les indications qui figurent en préface de l’édition de 1953, les Indicateurs ont par ailleurs obtenu dès la fin du 19e siècle plusieurs récompenses en raison des « services qu’ils [ont] rend[us] aux fabricants et négociants dans le domaine de l’horlogerie. »
L’analyse des Indicateurs horlogers suisses suscite de nombreuses pistes de réflexion. Premièrement, l’inscription dans l’annuaire est payante, et l’on constate que nombre de sous-traitants n’y sont pas listés. Le fait de s’inscrire ou pas au sein de cet annuaire était-il une question de tradition, de moyens financiers, ou de la mesure dans laquelle le carnet d’adresse de l’entreprise était fourni et sa clientèle fidèle ? Le classement des inscrits par lieux prioritairement (plutôt que par nom), ensuite, qui fait penser aux classements proposés dans les annuaires téléphoniques, permet-il de supposer que les commandes tendaient à se faire en fonction du critère de localité ? Et si tel était le cas, était-ce pour favoriser une certaine proximité entre commanditaire et fournisseurs, ou en raison du prestige que revêtaient certaines localités par rapport à un type d’activité dans laquelle elles s’étaient spécialisées ?
Enfin, le fait que cet annuaire soit publié aujourd’hui encore amène à s’interroger sur la structure actuelle des réseaux industriels de l’horlogerie. Quoique les 20e et 21e siècles aient vu l’avènement de nombreuses manufactures réunissant la totalité – ou presque – des opérations sous le même toit, les Indicateurs aujourd’hui montrent que les réseaux de sous-traitance continuent à être extrêmement développés, de la fabrication de composants aux opérations de décoration.
Indicateurs horlogers suisses, 1840-2013.