Après l’échec de la tentative révolutionnaire de 1831, les républicains neuchâtelois se réorganisent peu à peu.
Lorsque la nouvelle du renversement du roi de France Louis-Philippe, le 24 février 1848, se répand dans la principauté de Neuchâtel, les républicains, bien préparés, décident de lancer eux aussi l’offensive. Le 29 février, les autorités du Locle et de La Chaux-de-Fonds abdiquent, laissant au comité patriotique la conduite des deux localités. Le 1er mars, à 9h30, la colonne républicaine commandée par Fritz Courvoisier marche sur Neuchâtel, empruntant le col de la Vue-des-Alpes recouvert d’une épaisse couche de neige.
Tirant les leçons de l’échec de 1831, Fritz Courvoisier a obtenu l’assurance qu’un gouvernement provisoire serait prêt à prendre les rênes de la République après la prise du château. Arrivant en vue de Neuchâtel, ses troupes s’arrêtent à Pierre-à-Bot dans l’attente de nouvelles. Une estafette lui apprend que le gouvernement royaliste a renoncé à toute résistance. Les troupes républicaines s’emparent alors du château. Le gouvernement provisoire présidé par Alexis-Marie Piaget y prend ses fonctions une heure plus tard.
A l’abri des grands arbres de Pierre-à-Bot, sur les hauteurs de Neuchâtel, la colonne républicaine profite de la halte pour se reposer : à gauche, un soldat allume une pipe, alors que des tambours, à droite, sont assis, adossés au talus. Au centre, Fritz Courvoisier à cheval domine ses troupes. Il porte noué au bras gauche un tissu blanc servant de signe de ralliement aux insurgés. Il regarde l’estafette (nommée Vuillemier) lui rapportant les nouvelles attendues. A droite, debout les bras croisés, se tient Ami Girard, autre grande figure de la révolution neuchâteloise. Les autres personnages sont plus difficilement identifiables.
Les commanditaires du tableau souhaitaient que les fils de Fritz, Paul et Emile, figurent aussi dans la scène. Alfred Chapuis, dans sa biographie de Fritz Courvoisier, désigne le soldat caché en partie par le cheval comme Paul Courvoisier.
Ce tableau a été commandé en 1889 à Auguste Bachelin par la famille Courvoisier. Les enfants de Paul Courvoisier, fils de Fritz Courvoisier, souhaitaient lui en faire cadeau. Ils donnent au peintre un grand nombre de détails historiques, puisés chez les participants à l’événement encore vivants, afin que Bachelin puisse les intégrer à sa composition : les divers uniformes des soldats présents, la couleur du brassard porté par Fritz Courvoisier, la couleur de son cheval, etc. L’épisode dépeint est aussi soigneusement choisi par les enfants Courvoisier : « Arrivée à Pierre-à-Bot, la colonne républicaine fait halte, un officier, Vuillemier, qui habite actuellement Bienne et que j’ai vu hier, est envoyé en ville ; il est à cheval, (cheval couleur roux). Vuillemier revient de Neuchâtel au galop annoncer que le gouvernement royaliste a abdiqué, il a fixé à l’encolure du cheval un petit drapeau suisse qu’on lui a donné en route ; c’est le seul drapeau de la colonne républicaine ; nous aimerions que ce moment « psychologique » si je puis m’exprimer ainsi fut indiqué dans votre tableau, l’annonce de la reddition du chef-lieu !! ». (Lettre de Fritz Courvoisier à Auguste Bachelin, 24 octobre 1889)
Bachelin tient compte de bon nombre de ces indications pour créer une composition mettant en valeur le protagoniste principal. Le tableau est peint rapidement en novembre et décembre 1889 et livré à la famille avant le nouvel an 1890.
Publié dans l’ouvrage d’Alfred Chappuis en 1947, La halte de Pierre-à-Bot est resté en possession des descendants de Paul Courvoisier. Il a été présenté publiquement à l’initiative de l’association Marche du 1er mars en février 2014.
Chapuis, Alfred, Fritz Courvoisier chef de la révolution neuchateloise, Neuchâtel : Ed. Victor Attinger, 1947.
Courvoisier, Jean, Panorama de l’histoire neuchâteloise, Neuchâtel : La Baconnière, 1972, p. 127-129.
Henry, Philippe, Histoire du canton de Neuchâtel, Neuchâtel : Alphil, 2011, pp. 90-101.
La mémoire de la révolution neuchâteloise de 1848, Hauterive : G. Attinger, 1997.
Lettres de Fritz Courvoisier à Auguste Bachelin, 24 octobre 1889, 5 janvier 1890, Bibliothèque publique et universitaire, Fonds Bachelin.