A la fin du XVIIIe siècle, les romans de Jean-Jacques Rousseau ou d’Albert de Haller favorisent la naissance d’une nouvelle perception de la nature : la campagne rustique ou la montagne sauvage fascinent et les voyageurs sont attirés par les Alpes et les vallées helvétiques. Afin de garder un souvenir des contrées parcourues, ces visiteurs achètent sur place des estampes représentant les paysages admirés. Ils favorisent ainsi l’essor de cet art. Berne devient l’un des premiers et des plus importants centres de production d’estampes paysagères. C’est justement dans cette ville que Caspar Wyss se forme à la peinture et à la gravure. Il séjourne par la suite à La Neuveville et à Neuchâtel. Plusieurs aquarelles de sa main représentent Neuchâtel et son lac. La ville intéresse en effet particulièrement les artistes par son point de vue sur les alpes.
La vue, prise au-dessus de la route de la Cassarde que l’on aperçoit en contrebas, embrasse toute la partie est de la ville. Depuis la colline du Crêt, couronnée d’un bouquet d’arbres, qui en marque la limite orientale, le dessinateur a représenté la suite des maisons du faubourg de l’Hôpital. On y reconnait notamment l’Hôtel DuPeyrou, ainsi que, tout à droite, la maison Pourtalès (Fbg de l’Hôpital no 8). Le premier plan est occupé par la représentation d’une grande butte sur laquelle a pris place un dessinateur assis sur un rocher. Deux arbres enlacés sont esquissés pour clore l’espace visuel sur la gauche. Au fond, le lac et les Alpes sont dominés par un ciel inachevé. A gauche, treize renvois chiffrés signalent le nom des sommets.
Cette aquarelle inachevée de Caspar Wyss est visiblement l’esquisse d’un panorama plus vaste qui devait, en se prolongeant sur la droite, englober l’ensemble de la ville de Neuchâtel et toute la chaîne des Alpes. La place importante du premier plan qui ferme la partie gauche de la composition, ainsi que la coupure brusque du paysage sur la droite corroborent cette hypothèse. Le système des renvois pour désigner les noms des sommets et des principales curiosités est lui aussi courant dans ce type de production. Cette aquarelle était probablement destinée à servir de base à la création d’une gravure qui en reprendrait les éléments. La partie droite du panorama s’est-elle perdue ? N’a-t-elle jamais été dessinée ?
Boy-de-la-Tour, Maurice, La gravure neuchâteloise, Neuchâtel : Delachaux et Niestlé, 1928, pp. 11-14.
Brun, Carl, Schweizerisches Künstler-Lexicon, Neudeln : Krans reprint, 1982, p. 537.