Dès 1815, la peine de mort est progressivement délaissée et commuée en détention perpétuelle. Ceci oblige le Conseil d’Etat à envisager l’adaptation des structures carcérales. Après la révolution de 1848, le nouveau gouvernement aboli toutes les peines infamantes. Après l’adoption d’un code pénal en décembre 1855, une vaste réforme des prisons neuchâteloises est engagée et la construction d’un pénitencier envisagée. Un concours architectural est lancé en 1858, mais des considérations financières retardent sa réalisation. Les plans anonymes du concours sont repris et adaptés par Samuel Vaucher-Crémieux de Genève, puis mis en œuvre par l’architecte Hans Rychner en 1867. Le nouveau pénitencier est achevé en 1869 et accueille les premiers prisonniers en 1870.
Le photographe, placé à proximité du Mail, saisi sur la pellicule la situation du pénitencier, placé un peu à l’écart de la ville sur la colline du Saarberg, entouré de vignobles. Le bâtiment d’entrée, reconnaissable à son pignon crénelé, surmonté des armes de la République, accueille les logements du directeur, du gardien chef et du portier. Derrière lui se trouve les bâtiments de l’administration et des ateliers. Deux ailes, dont seule celle de droite (surmonté d’une tour) est visible sur la photographie, abritent les 120 cellules individuelles des prisonniers. L’ensemble, composé selon un plan cruciforme, est entouré d’une enceinte haute de 6m50. L’architecture, imposante et sévère, doit rappeler aux détenus leur pénitence.
Le système pénitentiaire choisi par la Commission du Grand Conseil en 1867 est basé sur le système de l’emprisonnement individuel : l’isolement complet du détenu permet d’éviter que les petits délinquants ne rencontrent les criminels endurcis. Le Dr Louis Guillaume, nommé à la direction de l’établissement, comprend rapidement que l’isolement est un mauvais choix. Il met en place un système de travail en commun, dans le but de préparer la réinsertion du détenu dans la société après avoir purgé sa peine. L’architecture du bâtiment, entièrement conçu en fonction de l’emprisonnement individuel, n’est pas adaptée à cette politique carcérale qui provoque d’autre part la grogne des entreprises privés, se plaignant de la concurrence.
Le code pénal de 1891, qui instaure la collaboration intercantonale en matière d’incarcération, sonne le glas du pénitencier neuchâtelois. Mal adapté au régime pénitentiaire moderne, le nombre de ses pensionnaires diminuent fortement et il est définitivement fermé en 1909.
Fortement transformé, le bâtiment abrite aujourd’hui la faculté des sciences de l’Université.
Bolle, Pierre-Henri, « Histoire des pénitenciers neuchâtelois », Musée neuchâtelois, 1973, pp. 3-20.
Jelmini, Jean-Pierre, Neuchâtel 1011-2011, mille ans – mille questions – mille et une réponses, Hauterive : Ed. Attinger SA, 2010, pp. 372-373.
Piguet, Claire, INSA, Inventaire Suisse d’Architecture 1850-1920, Neuchâtel, Berne : Société d’histoire de l’art en Suisse, 2000, pp. 193.