En novembre 1530, sous l’influence des prédications de Guillaume Farel, la ville de Neuchâtel passe à la Réforme. Appuyés par les combourgeois de Berne, les réformés étendent leur autorité au reste du comté. En 1536, la châtellenie du Landeron reste le seul territoire catholique en Pays de Neuchâtel. Jusqu’en 1561, Le Landeron est soumis à la pression des réformés neuchâtelois. Dans ce contexte, plusieurs historiens du XIXe siècle rapportent la légende selon laquelle Guillaume Farel, voulant prêcher la Réforme au Landeron, se serait fait chasser à coups de pierres par les femmes du lieu et aurait abandonné sa chaire portative sur place. Selon Louis de Meuron, qui raconte l’anecdote dans sa Description topographique de la châtellenie du Landeron (1828), cette chaire aurait été conservée comme un trophée et on y aurait inscrit ce texte : « Farel preschant en cette chaire, le jour devant la Passion, fut assailly à coups de pierres, par filles et femmes du Landeron ». Depuis ce jour, les femmes auraient pu s’asseoir à droite dans la chapelle des Dix Mille Martyrs, côté auparavant réservé aux hommes.
Construite en bois, cette chaire portative se présente comme un simple parallélépipède rectangle dont un côté est ajouré. Quatre pieds supportent l’objet, permettant de surélever le prédicateur de quelques dizaines de centimètres et de dominer ainsi la foule. La chaire ne comporte aucune inscription.
Les chaires portatives sont courantes au moment de la Réforme, permettant aux prédicateurs, souvent en déplacement, de prêcher devant les églises lorsque celles-ci leur étaient fermées. Si Farel est venue plusieurs fois au Landeron, sa fuite devant les femmes du lieu relève bien de la légende. Une analyse dendrochronologique a d’ailleurs révélé que la chaire associée à cet événement a été construite après 1558 et aucun document n’atteste de la venue de Farel au Landeron entre 1558 et sa mort en 1565. Mais ce récit et cet objet restent les symboles du refus de la Réforme au Landeron. Ils reflètent une réalité historique : l’enclave catholique du Landeron déplaisait fort à Farel qui s’est efforcé jusqu’à sa mort d’obtenir la conversion de ses habitants à la foi réformée.
Hammann, Gottfried, Léchot, Pierre-Olivier, « Entre légende et vérité : Soleure et le maintient de la foi catholique », in : Le Landeron, histoires d’une ville, Hauterive : G. Attinger, 2001, pp. 139-150.
Bartolini, Lionel, « Quand maître Guillaume prêchait au Landeron », in : Cinq siècles d’histoire religieuse neuchâteloise. Approche d’une tradition protestante : actes du colloque de Neuchâtel (22-24 avril 2004), Neuchâtel : Université de Neuchâtel – Faculté des lettres et sciences humaines, 2009, pp. 141-147.
Bartolini, Lionel, Une résistance à la réforme dans le pays de Neuchâtel. Le Landeron et sa région (1530-1562), Neuchâtel : Alphil, 2006.
Guillaume Farel, 1489-1565 : biographie nouvelle, Neuchâtel-Paris, 1930.
Meuron, Louis de, Description topographique de la châtellenie du Landeron, Neuchâtel : Impr. de C.-H. Wolfrath, 1828, p. 59.