Le 29 février 1872, le Marie-Thérèse, un trois-mâts français de 503 tonneaux en provenance de Bordeaux, s’échoue sur un haut-fond dans le détroit de Gaspar en Indonésie. Il transporte une cargaison destinée aux colons d’Indochine et qui se compose de vaisselle, de pipes, d’encriers, de photophores, de coffres-forts, de vin, de champagne, de Marie-Brizard, de Malaga et de 503 bouteilles d’absinthe des marques Pernod Fils et Edouard Pernod Couvet.
En 1991, une équipe de plongeurs et d’archéologues découvre l’épave et s’emploie à en sortir tous les objets.
Si une petite partie des bouteilles de Bordeaux, de champagne, de Madère et de Malaga étaient encore pleines, celles d’absinthe étaient vides.
La bouteille d’absinthe porte au bas de son col le sceau de Pernod Fils en relief. Le bouchon git au fond de la bouteille : le flacon n’a pas été ouvert par les archéologues mais par la pression que la mer a exercée pendant cent vingt ans.
Aubaine pour les historiens, la découverte de cette épave révèle l’importance des échanges avec les colonies pour le commerce européen.
Pour l’histoire neuchâteloise, ces 503 bouteilles d’absinthe des deux maisons Pernod, dont deux ont été offertes au musée de Môtiers par les archéologues vaudois, reflètent une réalité dont on a peine aujourd’hui à imaginer l’ampleur, celle d’une production et d’une diffusion considérable de l’absinthe du Val-de-Travers On la trouvait dans tous les continents, en particulier là où la France possédait des colonies. Des cartes postales du Maroc, d’Algérie, de Madagascar ou d’Indochine montrent des scènes de rues où les murs portent des publicités pour les absinthes Pernod, Berger, Rivoire, Terminus.
Jay, Evelyne, L’épave du Marie-Thérèse – le temps ressuscité, Lausanne : Pentagon SA, 1992.
Delachaux, Pierre-André, L’absinthe – arôme d’apocalypse, Hauterive : Gilles Attinger, 1991.