Au 17e siècle, dans le haut Jura neuchâtelois, la cuisine de la ferme était un local sombre situé au centre du logement. La pierre de taille y occupait une place importante, surtout dans le secteur de La Chaux-de-Fonds. La cuisine qui nous intéresse possède une cheminée à manteau de pierre, ce qui ne constitue pas une exception. Toutefois, sa grande taille et sa prestance sont révélatrices de l’aisance et du statut social du propriétaire. Elle date de 1633 si on se réfère à la date gravée sur le linteau de la porte d’entrée de la maison.
Dans la partie centrale et occidentale des Montagnes, la cheminée en planches (le tué franc-comtois) dominait. Mais qu’elle fût en pierre ou en bois, l’imposante hotte faisait office de fumoir à viande. La maison de l’Ecouane ayant été détruite par le feu en 1951, les éléments en pierre de taille de la cheminée furent transférés dans le parc du Musée d’histoire de La Chaux-de-Fonds, puis à l’intérieur du N° 91 de la rue de la Charrière, une ancienne ferme réhabilitée (restaurant de la Cheminée).
Vue partielle d’une ancienne cuisine de ferme dotée d’une vaste cheminée, de deux arcades et sans doute aussi d’un espace voûté. Le point de jonction des deux arcades s’appuie sur un pilier. La cheminée est adossée à un mur ; son vaste manteau repose sur trois linteaux, eux-mêmes supportés par deux consoles du côté du mur et par deux colonnes renflées. Un « potager » métallique, dit neuchâtelois, trône sur un socle de pierre de taille.
Avant le passage du photographe, le local a manifestement fait l’objet d’un toilettage dans le but de mettre en valeur ses atouts architecturaux.
La pièce n’a pratiquement pas changé depuis le 17e siècle. Tout au plus a-t-on remplacé le dallage par un sol en ciment et l’âtre par un fourneau. Trente ans avant la création de l’ASPAM (Association pour la sauvegarde du patrimoine des Montagnes neuchâteloises), cette photo et l’ouvrage cité plus bas témoignent d’une prise de conscience précoce mais éphémère de la valeur des anciennes fermes. Le Chaux-de-Fonnier Maurice Favre (1888-1961), érudit et dévoué à sa commune, est sans doute à l’origine de cette initiative.
Le document figure, avec une série d’autres photos de divers auteurs, dans l’ouvrage de Maurice Favre : Vieilles pierres.
Vieilles pierres, texte de Maurice Favre, Création d’Art Haefeli & Co, La Chaux-de-Fonds, Bulletin annuel de la section de La Chaux-de-Fonds du Club Alpin Suisse, N° 40, 1933, p. 26.
Cop, Raoul, La ferme des Montagnes neuchâteloises, La Chaux-de-Fonds, 1995.