Exilé à Londres en 1815, Edouard Bovet, de Fleurier, est engagé par une maison londonienne comme horloger en Chine. Il crée, en 1822, sa propre maison d’horlogerie à Canton sous la raison sociale Bovet Compagnie en y associant trois de ses frères. Le quatrième rejoindra le négoce quelques années plus tard. Profitant des tensions politiques entre Chinois et Anglais, les Bovet réussissent à implanter un commerce horloger florissant entre le Val-de-Travers et la Chine. Les montres fabriquées à Fleurier et dans la région selon le système de la production « en parties brisées » sont expédiées par bateau à Canton ou Shanghai. La défaite des Chinois lors de la guerre les opposant aux Anglais et le traité de Nankin en 1843, ont pour conséquence l’ouverture de marchés auparavant fermés aux négociants étrangers. Alors que deux générations de Bovet, que l’on surnommera plus tard « Bovet-de-Chine », se succèdent, d’autres établisseurs fleurisans se rendent en Chine pour exploiter ces nouveaux débouchés commerciaux. Parmi eux les Juvet qui tiendront encore un comptoir à Shanghai jusque dans les années 1930.
Cette montre en laiton argenté présente un cadran émaillé comportant un double affichage : les vingt-quatre signes horaires chinois, douze diurnes et douze nocturnes, sont accompagnés, au centre, des chiffres romains correspondants. Techniquement, elle diffère des autres montres chinoises adoptant le système occidental de mesure du temps, par le fait que l’aiguille des heures effectue le tour du cadran en vingt-quatre et non en douze heures. Le mouvement, caractéristique des montres fabriquées à Fleurier pour le marché chinois, est entièrement gravé.
Fréquemment, et pour répondre aux vœux de la clientèle chinoise, les montres sont vendues par paires de pièces strictement identiques, disposées dans un même écrin. Toujours selon le goût particulier des Chinois, le mouvement gravé est visible par la cuvette réalisée en verre. Généralement le cadran affiche les heures selon le système occidental. Les montres présentant des signes horaires chinois sont plus rares et probablement moins demandées par les clients, pour qui ces objets devaient affirmer leur caractère étranger, garantie de qualité horlogère. Cette pièce est fabriquée à Fleurier, mais non signée. Elle provient probablement de la maison Juvet ou de la maison Bovet.
Chapuis, Alfred, La montre chinoise, Neuchâtel : Attinger Frères, 1919.
Didier, Mélanie, Tellier, Arnaud, Le Miroir de la séduction. Prestigieuses paires de montres chinoises.Patek Philippe Museum, Genève : Patek Philippe Museum, 2010.
Jéquier, François, Une entreprise horlogère du Val-de-Travers : Fleurier Watch CO SA, Société d’histoire et d’archéologie, Neuchâtel, 1972.
Vaucher, Laurence, Les Vaucher horlogers originaires de Fleurier, Fleurier, 2003