Bien qu’admis en 1815 dans la Confédération, le canton de Neuchâtel restait propriété des rois de Prusse. De plus, il était dirigé par un gouvernement conservateur qui voyait d’un mauvais œil toute proclamation de fidélité à une Suisse en voie de modernisation.
La révolution de 1848 clarifia la situation, mais ce n’est qu’en 1857 que fut reconnue l’indépendance neuchâteloise. Dès lors, les républicains du canton voulurent afficher leur attachement à la patrie en organisant avec la société de tir les Armes Réunies de La Chaux-de-Fonds une fête fédérale de tir. Un groupe de personnalités de la ville mit sur pied la manifestation.
Les concours de tir durèrent du 12 au 19 juillet 1863. La fête connut un grand succès et les comptes bouclèrent sans déficit.
La lithographie se singularise par une perspective très aérienne et par la fidélité de la représentation. Les installations du tir et l’agglomération de La Chaux-de-Fonds sont vues du sud-ouest, comme depuis un ballon dominant les Eplatures et la route du Locle. Le stand de tir des Armes Réunies, situé au bas de la rue qui porte actuellement son nom, occupe la partie gauche de l’avant-plan. Tout près, le village provisoire conçu pour accueillir les tireurs est abondamment décoré et pavoisé.
Les maisons de la ville s’avancent vers le sud-ouest au milieu des prés en suivant le canevas des alignements tracés pour l’essentiel en 1834. A droite se trouve la gare, par laquelle transitent la plupart des participants à la fête. Il s’agit d’une des toutes premières représentations de ce bâtiment rudimentaire.
La localité ne dispose encore que de deux liaisons ferroviaires : l’une avec Le Locle et l’autre avec Neuchâtel. Au bout de la tranchée de la ligne de Neuchâtel, on distingue le pont du Grenier. A proximité se dressent le Manège, surmonté d’un clocheton, et le futur Musée d’histoire, entouré d’un parc.
Il s’agit indéniablement de l’une des plus intéressantes vues de La Chaux-de-Fonds au 19e siècle. Elle évoque de façon surprenante l’extension d’une ville isolée parmi les vallonnements jurassiens, mais néanmoins soumise à la rigueur urbanistique. La forte présence d’un axe vertical correspondant à la rue Léopold-Robert crée même un semblant de symétrie. En une seule image, l’artiste est parvenu à saisir tout à la fois le cachet d’une ville neuve, les fastes d’une fête et le caractère d’un paysage. Cette lithographie constitue ainsi un souvenir évocateur destiné aux participants du tir.
Cornaz, Auguste, Histoire du tir fédéral de 1863 à La Chaux-de-Fonds canton de Neuchâtel, La Chaux-de-Fonds : Impr. du National Suisse, 1863.
Kern, Gilliane, « Vive la patrie! : la mise en scène d’un sentiment national : le Tir fédéral de 1863 à La Chaux-de-Fonds », Revue historique neuchâteloise, 2006, no 3, p. 169-200.
Kern, Gilliane, En quête d’une identité nationale… : la mise en scène du sentiment national lors du Tir fédéral de 1863 à La Chaux-de-Fonds, Neuchâtel : [s.n.], 2005.