A partir du 17e siècle, un certain nombre de verreries voit le jour le long des rives du Doubs. Les productions de ces établissements restent pour une bonne part méconnues. Au bord du Doubs, la verrerie de Lobschez (1659-1696), s’occupe de production de vitres en 1669, sans que l’on connaisse le type de vitrage fabriqué. À la même époque, entre 1657 et 1737, quatre verreries se succèdent à Court ; elles produisent de la gobeleterie de différentes qualités et du vitrage. En 1747, les frères Raspieler, qui possèdent déjà la verrerie comtoise de Blancheroche (1712-1835), fondent une nouvelle verrerie sur le Doubs, à Biaufond (1747-1792) en terre épiscopale bâloise, trois kilomètres en aval de la première. À cette époque, la verrerie de Blancheroche, pourtant réputée pour sa gobeleterie, étend son offre et s’engage également dans la production de vitrage : en 1771, elle comprend un four destiné au verre plat.
Pour fabriquer du verre, il convient de mélanger principalement du sable à caractère calcaire, argileux, ferrugineux pour la silice à de la chaux éteinte et du sulfate de soude ou de la potasse. Les matières destinées à la fabrication des bouteilles sont d’abord frittées, puis chargées dans des creusets, fondues et travaillées aussi vivement que possible, afin d’éviter la dévitrification. Autrefois, chaque ouvreau était desservi par un maître ouvrier, un grand garçon, un gamin et un porteur ; ainsi aidé, l’ouvrier fabriquait 600 bouteilles par jour, en dix heures de travail.
Les premières bouteilles étaient soufflées à la main. Les formes varient de même que l’épaisseur du verre qui peut être à la fois fort mince à certains endroits et très épais à d’autres. Au moindre choc, ces bouteilles pouvaient se casser.
Les trois bouteilles présentées sont représentatives de cette verrerie par leur couleur bleutée. Pour réaliser des bouteilles artisanalement, on commence par chauffer l’extrémité des cannes dans un petit ouvreau du four ; le gamin en prend une, la plonge dans le creuset en la tournant sur elle-même et la garnit de verre ; il la sort, puis recommence la même opération dès que le premier verre a pris de la consistance. La canne passe alors aux mains du grand garçon, qui roule la masse de verre sur le marbre, donne à la paraison une forme de poire. Il la réchauffe ensuite dans l’ouvreau. Quand le verre est suffisamment chaud, il retire la canne, la tient suspendue verticalement et lui imprime un léger mouvement d’oscillation en même temps qu’il souffle dans l’intérieur. La masse de verre se gonfle s’allonge et prend la forme d’un petit ballon ovoïde. On réchauffe le verre de nouveau ; et le maître ouvrier, prenant la canne à son tour, introduit la masse de verre ramolli dans un moule en bois ou en argile, et souffle fortement. A mesure que le verre soufflé s’approche des parois du moule, l’ouvrier tire la canne vers le haut pour former le col. Il retire la bouteille du moule et, pour allonger le col, donne à la canne un mouvement de battant de cloche. Il la redresse ensuite et refoule le fond de la bouteille en y appliquant l’angle d’une palette de bois, pendant qu’il tourne la bouteille sur elle-même.
Si actuellement le meilleur et le plus répandu des conditionnements du vin est la bouteille en verre, son usage ne s’est généralisé dans notre pays que vers le second tiers du 19e siècle. Avant, son emploi était réservé aux vins considérés comme exceptionnels et méritant d’être conservés. L’habitude voulait que, lorsqu’on désirait honorer une personne, on lui serve des vins bouchés et non des vins tirés au tonneau et servis dans les channes traditionnelles.
Dès le milieu du 18e siècle, des vignerons commencent à mettre du vin en bouteilles, choisissant pour cela les vins qu’ils jugent dignes d’être conservés et vieillis, suivant ainsi la mode et le goût des habitants des Montagnes qui préféraient les vins vieux aux jeunes, habitués qu’ils sont aux vins de France dont ils font le commerce, malgré la résistance farouche des habitants du Vignoble qui souhaitent des mesures protectionnistes.
Gerber, Christophe, « Production de cives et de manchons dans le Jura central suisse au début du XVIIIe siècle. L’exemple de la verrerie de Court-Chaluet », in : Verre et fenêtre de l’antiquité au XVIIIe siècle, Actes du premier colloque international de l’association verre et histoire, Paris, Versailles, 13-15 octobre 2005.
Lefebvre, E., Histoire d’une bouteille, Paris : Hachette, 1889 (2ème édition).
Peligot, Eugène Melchior, Le verre, son histoire, sa fabrication, Paris : G. Masson éditeur, Librairie de l’Académie de Médecine, 1877.
Van den Bossche, Willy, Antiques Glass Bottles, Their History and Evolution (1500-1850), Antique Collectors’Club, 2001.