Cette plaque-boucle de ceinture provient de la nécropole mérovingienne (7e siècle ap. J.-C.) de Neuchâtel/Les Battieux, qui comprenait environ 150 tombes. En 1982, une campagne de fouille menée par le service archéologique de Neuchâtel a permis de documenter 38 tombes situées en périphérie de la nécropole. Les défunts, inhumés sur le dos, avaient la tête dirigée vers le nord-ouest, selon une orientation répondant à la coutume mérovingienne. Les tombes, organisées en rangées, étaient parfois délimitées par des pierres ou des murs en pierres sèches et, dans deux cas, un aménagement interne en bois (coffrage, cercueil) a été mis en évidence.
Neuchâtel/Les Battieux est l’une des plus importantes nécropoles du Haut Moyen Age découverte dans le canton, avec celle de Bevaix/Le Châtelard. Si une quinzaine de sites funéraires de cette période sont connus au pied du Jura, la plupart ont été découverts et détruits dans le courant du 19e siècle et le début du 20e siècle. Les données archéologiques manquent concernant le nombre de sépultures, l’organisation et l’extension des cimetières, l’architecture des tombes ou encore le matériel accompagnant les défunts.
Cette garniture de ceinturon se compose de trois éléments distincts : la boucle au centre, et de part et d’autre, la plaque et la contre-plaque, reliées à l’origine par une courroie de cuir non conservée. Elle est décorée au moyen de la technique du damasquinage, utilisée au Haut Moyen Age pour les armes, pièces d’harnachement, fibules, etc. En guise de fond monochrome, l’artisan a plaqué une feuille d’argent sur un support en fer. Il a ensuite incrusté au marteau des fils de laiton et d’argent pour réaliser les motifs. Les décors sont disposés de manière parallèle sur la plaque et la contre-plaque, aussi ne décrira-t-on que la plaque. Deux rosaces sont placées de part et d’autre d’un entrelacs qui forme un losange. Une croix, symbole chrétien (au centre de l’entrelacs) et quatre dragons (perpendiculaires à l’entrelacs) complètent ce riche décor.
La forme étroite et trapézoïdale de cette plaque-boucle de ceinture indique qu’elle a été portée par une femme, à la fin du 7e siècle ap. J.-C. Elle représente l’un des rares témoins pour notre région des ceintures à plaques symétriques très au goût des Franques à la même période. Rappelons qu’à la fin de l’Empire romain d’Occident, le territoire neuchâtelois est intégré au royaume mérovingien puis carolingien, notre région est donc sous domination franque dès 534 ap. J.-C.
Toutefois, cette mode n’a pas été importée du Nord de la France sans être au préalable adaptée aux coutumes locales. En effet, si l’on retrouve des plaques-boucles de ceinture dans toutes les régions de la Gaule mérovingienne et en Suisse occidentale, il faut différencier des styles régionaux. Le type de décor à caractère géométrique de la plaque-boucle de Neuchâtel/Les Battieux est une production de tradition gallo-romaine. L’artisan s’est réapproprié des motifs de l’Antiquité tardive (stylisation de motifs figuratifs, entrelacs, arabesques, spirales, palmettes, etc.). Il s’est aussi inspiré des symboles du christianisme, comme la croix, à une époque où les traditions païennes sont encore fortes !
Les plaques-boucles de ceinture en fer ne sont donc pas des créations franques ou burgondes, mais des produits de la population indigène : les Romans, descendants des Gallo-Romains. Cette continuité entre l’Antiquité tardive et le Haut Moyen Age se manifeste sous forme de vestiges matériels, à proximité de la nécropole de Neuchâtel/Les Battieux. A environ 350 mètres de celle-ci, à l’emplacement de l’actuelle église Saint-Jean, un bâtiment funéraire ou mausolée contemporain du cimetière (6-8e siècle ap. J.-C.) est installé dans les murs d’un établissement gallo-romain.