Née au Locle, dans une famille d’horlogers, Adèle Huguenin (1856-1933) devient institutrice en 1873. Elle commence en 1879 à publier des récits rustiques (Croquis montagnards, 1882, Neiges d’antan, 1889) dans la Bibliothèque universelle, périodique romand, dirigé alors par Edouard Tallichet. Adèle adopte immédiatement le pseudonyme de T. Combe, qui laisse supposer un auteur masculin ; les femmes de Lettres étant peu considérées à cette époque. Ses récits connaissent le succès, si bien qu’elle peut se consacrer entièrement à l’écriture dès 1881. En 1890, des chagrins personnels et sa conversion au piétisme confèrent à son écriture un caractère plus engagé (Ce que fit un géranium, 1892, Celle qui tua trois fois, 1902). T. Combe se bat désormais pour l’hygiène, l’abstinence, l’amélioration du statut des femmes et bientôt pour le suffrage féminin. Afin de mieux défendre ses causes favorites, elle crée en 1921, un hebdomadaire féminin, Notre Samedi soir, qu’elle portera à bout de bras jusqu’à sa mort. La démarche n’a rien d’anodin ; à cette époque, il n’existe en Suisse romande qu’un journal destiné aux femmes, le Mouvement féministe fondé par Émilie Gourd en 1912. Il s’adresse aux femmes cultivées, alors que le Samedi soir, dans une démarche totalement novatrice, est destiné aux ouvrières.
Sur ce portrait, T. Combe a près de trente ans ; elle est donc déjà une écrivaine confirmée, encouragée notamment par Oscar Huguenin et Philippe Godet. Philippe Godet se porte en effet en défenseur du roman rustique, qu’il prise d’une part pour ses qualités éducatives, d’autre part comme représentant une vraie littérature régionale, opposée aux stéréotypes parisiens. A ce registre un rien paternaliste et moralisant, T. Combe saura ajouter une note d’humour bienvenue.
Elle porte ici une toilette élégante, une coiffure soignée et des bijoux. Cette recherche trahit la coquetterie qu’elle conservera jusqu’à un âge avancé, mais aussi la relative aisance qu’elle doit à ses travaux littéraires.
Dès ses premiers récits, T. Combe négocie fermement ses honoraires. Ses éditeurs manifestent à plusieurs reprises leur mauvaise humeur, mais finissent presque toujours par céder à ses exigences. Elle est sollicitée par la plupart des grandes maisons romandes, notamment les Attinger, avec lesquels elle travaille dès 1893. En revanche, et malgré tous ses efforts (courriers, voyages, relations), elle ne parviendra jamais à être connue et éditée à Paris, hormis pour quelques œuvres mineures. A partir des années 1910, elle crée sa propre maison d’édition. Entre 1912 et 1913, elle parcourt la côte Est des Etats-Unis pour donner une série de conférences. Les courriers de ses lecteurs et surtout de ses lectrices montrent que T. Combe a eu une forte influence, notamment par ses écrits hygiénistes et féministes.
T. Combe, Journal (1886-1892), présenté et annoté par Calame, Caroline, Neuchâtel : Nouvelle Revue neuchâteloise, 2010.
Calame, Caroline, Une écrivaine engagée : T. Combe (1856-1933), Neuchâtel : Nouvelle Revue neuchâteloise, 2006.
Pavillon, Monique, « T. Combe, une écrivain populaire?: 1889-1905″, in Littérature populaire : peuple et littérature : colloque à l’Université de Lausanne, 9 juin 1989, Lausanne : Université de Lausanne, 1989, pp. 107-131.