Après deux décennies de quasi-stagnation, la population chaux-de-fonnière s’accroît fortement à partir de 1823 ; elle augmentera de 50 % en une douzaine d’années, atteignant 7700 habitants. Bon an mal an, quelque deux cents personnes supplémentaires ont besoin d’un toit, ce qui pousse un certain nombre de particuliers, vers 1830, à élaborer des projets immobiliers d’envergure. Citons les quartiers de la Promenade et du Premier-Mars.
Contrainte à l’action, la commune se dote en 1834 d’un premier grand plan d’alignements, conçu en collaboration avec Charles-Henri Junod, inspecteur cantonal des Ponts et Chaussées. Il est sanctionné par le Conseil d’Etat neuchâtelois le 10 janvier 1835.
A la demande de la communauté de La Chaux-de-Fonds, le Conseil d’Etat fait dresser en 1841 un nouveau plan de l’agglomération. Exécuté sur la base d’un plan levé en 1830 et lithographié, il détaille les alignements de 1834 ainsi que quelques compléments ultérieurs.
Plan de l’agglomération à l’échelle 1 :2500. Les bâtiments existants sont en rouge, les terrains constructibles des nouveaux alignements en rose et les zones de verdure qui les accompagnent en vert. Des noms ont déjà été attribués aux rues en projet.
Le relief n’est pas figuré alors que les flancs de la vallée étaient suggérés par des hachures sur le plan de 1830.
Ce document lithographié est la première représentation connue des grands alignements tracés en 1834. Ils serviront de guides aux constructeurs jusqu’à la Première Guerre mondiale, donnant à l’agglomération chaux-de-fonnière cette physionomie si particulière. L’ampleur et la rigueur de cette planification précoce frappent l’esprit, d’autant que les documents consacrés à son élaboration brillent par leur laconisme.
Selon toute vraisemblance, les concepteurs n’ont pas été guidés par une vision urbanistique idéale, mais plutôt par le pragmatisme et la tradition. Les axes longitudinaux, qui sont dominants, se conforment à la topographie. Dans la plupart des cas, leur écartement assure un bon ensoleillement aux façades sud-est des nouveaux locatifs, qui s’orientent comme les anciennes fermes. Par souci d’équité, la planification porte sur tous les secteurs de l’agglomération. Il s’agit aussi d’encourager un maximum de propriétaires fonciers à se muer en promoteurs, de manière à accroître l’attractivité de la localité tout en empêchant la hausse des loyers.
Cop, Raoul, « L’avènement de la dictature des grands alignements : regard sur les débuts de l’urbanisation chaux-de-fonnière (1794-1835), in: Revue historique neuchâteloise, 2008, pp. 195-231.