Aux alentours de l’an 1000, toute la région de Neuchâtel fait partie du second royaume de Bourgogne (888-1032), qui s’étend sur un vaste territoire allant d’Arles à Bâle. En 1011, le roi de Bourgogne Rodolphe III fait donation à sa femme Ermengarde du revenu de plusieurs domaines royaux situés entre Aix-les-Bains et le nord du lac de Neuchâtel. Parmi ceux-ci figurent Neuchâtel, Auvernier et Saint-Blaise.
Conservé aux Archives départementale de l’Isère à Grenoble, l’acte est rédigé en latin sur un parchemin de qualité. Il est orné d’un imposant sceau de cire brune (64x58mm) représentant Rodolphe III revêtu des insignes du pouvoir royal : une couronne posée sur la tête et un sceptre à la main. Le monogramme du roi, apposé au bas du document, manifeste lui aussi la dignité royale. Dans cet acte solennel, Rodolphe III, « mu par l’amour conjugal et conseillé par les grands de mon royaume », donne à son épouse Ermengarde les revenus de plusieurs domaines royaux parmi lesquels figurent Neuchâtel (Novum castellum, regalissimam sedem), Auvernier (Averniacum) et Saint-Blaise (Arinis). Au dos du document, une inscription mentionne qu’Ermengarde, probablement peu avant sa mort en 1058, laisse les biens reçus en 1011 à l’église Saint-Maurice de Vienne.
Ce document constitue la plus ancienne mention écrite connue de Neuchâtel, ainsi que d’Auvernier et de Saint-Blaise. Il occupe, à ce titre, une place particulière dans l’histoire neuchâteloise. Mais si Novum castellum a donné son nom à Neuchâtel, il est plus difficile d’interpréter clairement le sens de cette « position très royale » (regalissimam sedem). Il faut probablement le comprendre comme un chef-manse, un centre administratif du domaine et des terres qui en dépendaient. Neuchâtel est donc non seulement un château nouvellement construit, mais aussi le centre d’un domaine royal qui appartient en propre au roi et dont Ermengarde peut bénéficier après la donation. Neuchâtel est d’ailleurs cédé avec les serfs travaillant sur le domaine.
Tribolet, Maurice, « Neuchâtel était-il le centre d’un fisc royal au début du XIe siècle ? », Musée neuchâtelois, 1979, pp. 99-108.
Morerod, Jean-Daniel, « La fondation de Bevaix et les débuts de l’histoire neuchâteloise », Musée neuchâtelois, 1998, pp. 203-204.
Histoire du Pays de Neuchâtel, tome I, Hauterive : Ed. Gilles Attinger, 1989, 176-177.
Schieffer, Theodor; Mayer, Hans Eberhard, Die Urkunden der burgundischen rudolfinger, München: Monumenta germaniae historica, 1977, no 99.
Matile, Georges-Auguste, Monuments de l’histoire de Neuchâtel, t. III (supplément), N° 798, p. 1137.
Un fac-similé de la donation de 1011 est conservé aux Archives de l’Etat de Neuchâtel, un autre au Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel.
Texte latin de l’acte de 1011.
Traduction française de l’acte de 1011 par Maurice de Tribolet.