Après l’échec de l’insurrection royaliste en septembre 1856, le roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV exige la libération de ses partisans faits prisonniers. Devant le refus neuchâtelois, la Prusse mobilise 150’000 hommes, dans l’intention de reconquérir sa principauté par la force. Le Conseil fédéral lève aussitôt 15’000 soldats envoyés sur la frontière pour prévenir toute action belliqueuse.
Le jeune Auguste Bachelin, qui étudie la peinture dans l’atelier de Charles Gleyre à Paris, est marqué par la crise de 1856 et par ses retombées internationales. Sa correspondance avec Louis Favre lui permet de suivre les événements et d’apprendre le départ des bataillons neuchâtelois sur la frontière du Rhin. Faute de pouvoir vivre les événements sur place, il retranscrit son enthousiasme républicain sur une toile de grandes dimensions.
Occupant le premier plan du tableau, un carabinier neuchâtelois dresse son imposante silhouette, surveillant avec assurance le bord du Rhin que l’on distingue dans le fonds. Les mains croisées sur son ventre, il tient son fusil prolongé d’une baïonnette. Un brassard aux couleurs de la Suisse signale son appartenance à l’armée fédérale. Derrière lui, un canon est pointé vers la frontière. Trois soldats bivouaquent à ses côtés.
Bachelin ne cherche pas, dans ce tableau, à représenter un épisode précis de l’affaire de 1856. Il veut plutôt symboliser la résistance de tout un peuple face au danger imminent. Il souhaite « représenter la Suisse par un soldat, mettre l’âme du pays dans une seule tête », « faire que mon soldat et mon canon parlent à l’esprit » (cité par Godet 1893, pp. 78 et 80). Un de ses amis, le peintre Gustave Roux, pose comme modèle pour le personnage principal. Cette œuvre martiale l’initie à la peinture d’histoire, et plus particulièrement à la peinture militaire. La guerre franco-allemande le marque profondément et inspire une grande partie de son œuvre.
Thévenaz, Louis, Roulet, Louis-Edouard, Jeanneret, Maurice, « Les événements de septembre 1856 », Musée neuchâtelois, 1956, pp. 101-280.
Courvoisier, Jean, Panorama de l’histoire neuchâteloise, Neuchâtel : La Baconnière, 1972, pp. 135-138.
Godet, Philippe, Art et patrie, Auguste Bachelin d’après son œuvre et sa correspondance, Neuchâtel : Attinger Frères, 1893.