En 1786, le décès de Frédéric II (17 août) impose une prestation des serments réciproques qui unissent la Principauté à son nouveau souverain, Frédéric-Guillaume II. Selon l’usage, c’est le gouverneur de la Principauté, alors Louis-Théophile de Béville, qui représente le roi de Prusse. Né à Berlin, Béville (1734-1816) occupe cette charge depuis 1779. Comme la plupart des gouverneurs du 18e siècle (on n’en exceptera que l’Ecossais Lord Keith et le Bernois Robert-Scipion de Lentulus), Béville appartient à une famille française réformée, ayant émigré en Prusse pour des raisons religieuses.
Un arc de triomphe a été construit au moyen de poutres et de végétation afin d’accueillir le gouverneur. Deux notables reçoivent avec révérence M. de Béville en grand uniforme. Des soldats sont au garde-à-vous, des cavaliers arrivent à l’arrière-plan, tandis que des artificiers font éclater des feux d’artifice. Sur la gauche un homme, arrive en hâte pour assister à la cérémonie ; sur la droite un soldat tient un spectateur en respect, sans doute pour souligner que malgré la bonhomie apparente, la sécurité n’est pas négligée. Par les fenêtres du bâtiment de gauche, de nombreux spectateurs regardent la scène, montrant ainsi l’intérêt de la population. On remarquera tout de même qu’aucune femme n’assiste à cette partie des festivités. Le quatrain placé au haut de la gravure provoquera un petit incident : la population l’attribue à Charlotte Houriet née Sandoz qui écrivit personnellement à Béville pour s’en défendre, au nom de la métrique et du bon goût.
Sous la domination prussienne, le rôle des gouverneurs est relativement peu important ; ils accomplissent des charges essentiellement honorifiques en échange desquelles ils jouissent d’une belle aisance. Lorsqu’un problème particulier se présente, un émissaire ad hoc est envoyé afin de le résoudre, indépendamment du gouverneur. Cette charge peut être considérée comme une pension de retraite que le roi accorde à des militaires dont les états de service et la bravoure méritent une récompense particulière. Toutefois, Béville se distinguera lors de l’invasion de la Suisse par les armées françaises. Il fait alors un long séjour dans la Principauté – de 1798 à 1801 – alors que ses précédents passages n’avaient pas excédé quelques semaines. Sa neutralité et sa diplomatie permettent d’éviter l’occupation de Neuchâtel par les Français et lui valent la sympathie de toute la population. Lors d’un voyage effectué en divers endroits du pays en 1799, il reçoit d’enthousiastes démonstrations de reconnaissance.
Bonhôte, James-Henri, « Les gouverneurs de Neuchâtel pendant le XVIIIe siècle », Musée neuchâtelois, 1890, pp. 125-126, 159-161.
Godet, Philippe, « Lettre d’une Locloise à M. de Béville », Musée neuchâtelois, 1889, p. 140-142.