Au début du XVIIIe siècle, la France procède à plusieurs réformes monétaires qui consistent à refrapper ou refondre d’anciennes pièces en augmentant leur valeur nominale. Cette pratique constitue une source importante de revenus pour l’Etat, mais pénalise la population. Les faux-monnayeurs profitent de ces réformes pour refrapper eux-mêmes des pièces et réaliser ainsi un confortable bénéfice allant de 10 à 50%. Cette activité illégale est pratiquée largement dans l’arc jurassien, et notamment à Neuchâtel. 350’000 faux louis d’or auraient été fabriqué dans la région entre 1704 et 1709.
Cette fausse monnaie en or comporte à l’avers le portrait du roi de France Louis XIV, la date de la frappe (1709) et la légende abrégée en latin: LVD XIIII DG – FR ET NAV REX, c’est-à-dire « Louis XIV, roi de France et de Navarre par la grâce de Dieu ». Le bas du visage est légèrement estompé en raison d’un défaut technique. Le revers comporte une croix formée de quatre doubles L surmontés de couronnes et séparés par des fleurs de lys. La légende mentionne CHRS REGN VINC IMP, c’est-à-dire « Le Christ règne, vainc et commande ». De légères variations stylistiques permettent de reconnaître une contrefaçon.
Il n’est pas possible de déterminer avec certitude le fabricant de ce faux louis. Mais à la même époque, en 1709, deux marchands neuchâtelois, Jacob Schaufelberg et David Bourgeois sont impliqués dans un vaste négoce de faux louis d’or. Ils collaborent avec deux bâlois, le banquier Jean Thélusson et l’orfèvre Jean-Jacques Schmied. Mais les neuchâtelois sont protégés par leurs familles (dont plusieurs membres siègent au Conseil d’Etat), ainsi que par le gouvernement bernois et par le roi de Prusse qui sont tous deux en conflit avec le roi de France. Les importants bénéfices dégagés par ce commerce, pratiqué par de nombreux marchands et orfèvres neuchâtelois, participent à la prospérité financière de bien des familles.
Froidevaux, Charles ; Clairand, Arnaud, « L’industrie des fausses monnaies françaises au Pays de Neuchâtel », Musée neuchâtelois, 1999, pp. 173-212.
Froidevaux, Charles, Clairand, Arnaud, « Faux-monnayage et crises monétaires sous l’ancien régime », in : Faux – contrefaçons – imitations, Actes du quatrième colloque international du Groupe suisse pour l’étude des trouvailles monétaires, 2002, pp. 175.
Clairand, Arnaud, Froidevaux, Charles, « Vie « ordinaire » d’un faux-monnayeur suisse : Pierre Lemaître (env. 1661-env. 1717) », in : Faux – contrefaçons – imitations, Actes du quatrième colloque international du Groupe suisse pour l’étude des trouvailles monétaires, 2002, pp. 235-254.
Clairand, Arnaud, Froidevaux, Charles, « Carrés et procédés de fabrication de 350’000 faux louis d’or fabriqués en Suisse au début du XVIIIe siècle », Bulletin de la Société Française de Numismatique, 2000, pp. 132-144.
Thévenaz, Louis, Faussaires d’autrefois, la Chaux-de-Fonds, 1954.
Henry, Philippe, Crime, justice et société dans la Principauté de Neuchâtel au XVIIIe siècle (1708-1806), Neuchâtel, 1984, pp. 634-638.