Bien que ses origines remontent à une période éloignée, le tarot fait l’objet de premières mentions au 15e siècle ; son usage s’étend très vite dans toute l’Europe. Gargantua, le célèbre personnage de Rabelais, y joue. Constitué de septante-huit cartes, cinquante-six couleurs et vingt-deux atouts, le tarot sollicite surtout la mémoire et l’attention, plus que le hasard. Les couleurs – d’habitude Cœur, Carreau, Pique et Trèfle – sont ici des couleurs à « l’italienne » : le jeu se divise en groupes nommés Épée, Coupe, Denier et Bâton. Les atouts numérotés comportent tous une inscription. Leur forme reprend une iconographie populaire : l’Amoureux s’apprête à recevoir la flèche de Cupidon, la Justice tient une balance dans ses mains et la Force maintient la gueule d’un animal féroce.
Coloriée à la main, chaque carte est unique. Les couleurs, encore vives, démontrent le soin avec lequel l’ensemble a été créé. Il s’agit d’un des rares jeux quasiment complets de la collection du Musée de l’Areuse à Boudry (NE). Il manque en effet quatre cartes : le Roi de Bâton et les 6, 7 et 9 de Denier.
Proche du Tarot de Marseille par ses illustrations, l’exemplaire du Musée de l’Areuse n’en est pas moins un exemplaire réalisé en Suisse, comme le prouvent les dessins au dos des cartes, dont les motifs trahissent une production helvétique typique.
Les illustrations évoquent un jeu de tarot suisse de la fin du 18e siècle, tel que ceux conçus par Jacques Rochias à Neuchâtel. La présence de fautes d’orthographes, comme « Papesse » écrit « Paesse », confirme cette hypothèse. Néanmoins, l’absence de signature sur le deux de Denier – pratique courante chez les imprimeurs du 18e siècle – ne nous permet pas de connaître le producteur. Seules les initiales I.B. sur le quatre de Denier fournissent un indice, bien maigre, puisque dans la région de Neuchâtel, aucun imprimeur connu ne signe avec ces initiales. Un Boudrysan offrit ce jeu au Musée de l’Areuse en 1886.
Le jeu de Tarot détient donc une double utilité : à la fois moyen d’amusement dans les Salons du 18e siècle et moyen de prédiction de l’avenir. Le mystère qui entoure ce jeu – plusieurs hypothèses existent sur ses origines – lui confère un statut particulier parmi les jeux de cartes des 18e et 19e siècles.
Delcamp, Edmond, Le tarot initiatique. Étude symbolique et ésotérique, Paris : Le Courrier du Livre, [1972].
Fontenay, Harold de, « Notice sur un jeu de cartes inédit du temps de Louis XII », in Bibliothèque de l’école des chartes, 1866, t. 27. p. 1-21.
Fréha, Pierre (et al.), Le grand livre des jeux de cartes, Paris : Éditions De Vecchi, 2006 [1978].
Kaplan, Stuart R., La grande encyclopédie du tarot, Paris : Sand, 1985.
Musée français de la carte à jouer (consulté le 29 mai 2012).