Au début du 19e siècle, la place horlogère du Locle doit faire face à une certaine concurrence. Afin de fixer la main-d’œuvre ouvrière à proximité des usines, certains industriels cherchent à promouvoir des logements bon marché. En 1855, Henry Grandjean et Edouard Thévenaz, tous deux établisseurs en horlogerie, se font les promoteurs de constructions destinées aux ouvriers au lieu dit le Verger, à l’est de la ville. La construction de ce Quartier-Neuf (ou quartier du Progrès) commence en mai 1856. En 1860, il compte 63 bâtiments et plus de 600 habitants. Plusieurs services animent le quartier : une école enfantine, un hôtel, une pharmacie, une boulangerie, une boucherie, des épiceries, des cafés, des lessiveries ainsi que plusieurs ateliers de monteurs de boîtes.
Prise depuis l’est, la vue souligne la rigueur géométrique du plan du quartier. S’inscrivant dans la logique de la conception urbanistique de Charles-Henri Junod, les bâtiments sont alignés selon un axe est – ouest, permettant ainsi de bénéficier d’un ensoleillement maximum. Les maisons sont regroupées par cinq dans de grands massifs qui sont séparés par de larges rues bien aérées. Des petits jardins agrémentent les façades nord. La voie de chemin de fer du Jura Industriel, ouverte en 1857 et ici symbole de modernité, passe à flanc de coteau sous la terrasse des Monts.
Opération philanthropique contribuant à l’amélioration de la condition ouvrière, la construction du Quartier-Neuf vise surtout à diminuer la spéculation immobilière. Ce type de logement social en massifs de taille raisonnable constitue une alternative aux phalanstères comme aux maisons individuelles. Ce quartier est un exemple de coopératisme républicain. A ce titre, le projet rencontre l’opposition d’une partie conservatrice de la population. En 1856, les contre-révolutionnaires qui tentent de prendre possession du Locle ont pour slogan : « Vive le roi, à bas la République, à bas les chemins-de-fer, à bas le quartier neuf ! ».
La Chaux-de-Fonds / Le Locle, Urbanisme horloger, Proposition d’inscription sur la Liste du patrimoine mondial, 2009, pp. 215-219.
Hauser, Andreas, Le Locle, Inventaire Suisse d’Architecture, 1850-1920, Orell Füssli, 1991, p. 141-144.