Le Seyon coule dès la fin du 13e siècle en plein centre de Neuchâtel, à l’emplacement de l’actuelle rue du Seyon, séparant la ville en deux. Ses rives sont bornées directement par les façades des bâtiments. Ses fréquents débordements posent problème aux autorités de la ville qui évoquent plusieurs fois la possibilité de le détourner du centre ville, notamment après les terribles inondations de 1579 et de 1750. Au 19e siècle, un nouveau grief est porté contre le Seyon, accusé d’être malodorant et insalubre. La rivière constitue en effet, jusqu’à son détournement en 1843, un égout à ciel ouvert qui sert de déversoir aux quartiers qui longent son cours.
Le lithographe a saisi, depuis la rive gauche du Seyon, un aspect de la rivière particulièrement dérangeant pour les habitants de l’époque. Les nombreuses latrines en encorbellement qui ornent les façades des immeubles de la rue des Moulins donnent directement sur la rivière. Au pied des bâtiments, des bouches d’écoulement des eaux usées déversent leurs immondices. Au centre, le pont enjambant la rivière abrite diverses boutiques débitant de la viande : les déchets carnés finisseent directement dans le lit du Seyon. Le débit souvent faible de la rivière ne permet pas de nettoyer efficacement son lit qui reste souillé, ainsi que les façades des maisons.
Cette vue parue dans l’Album neuchâtelois publié par Nicolet, offre un contraste intéressant avec les vues plus idylliques de la rivière. Elle révèle la naissance, au début du 19e siècle, d’une nouvelle perception de l’hygiène urbaine. La croissance démographique a fait d’une partie du Seyon un lieu insalubre et nauséabond. L’hygiénisme en vogue à cette époque considère ces odeurs pestilentielles et cette atmosphère corrompue comme potentiellement dangereuses et responsables de plusieurs maladies. L’épidémie de choléra qui sévit en Europe en 1831 suscite la crainte des autorités et facilite la décision de détourner le Seyon pour mettre fin à cette situation. Les travaux sont achevés en 1843.
Feuz, Laurent, « Les progrès de l’évacuation des eaux usées à Neuchâtel », Revue historique neuchâteloise, 2001, no 4, pp. 207-231.
Feuz, Laurent, Un aspect de l’idéologie hygiéniste en ville de Neuchâtel : l’évacuation des eaux usées : 1834-1885, travail de mémoire, Neuchâtel : Université de Neuchâtel Faculté des lettres, 1999.
Allanfranchini, Patrice, Neuchâtel 1642-1942, Trois siècle d’iconographie, Chézard-Saint-Martin : Ed. de la Chatière, 2005, p. 208 (notice 457).
Notice « Le Seyon au coeur de la ville »