La croissance démographique et industrielle des villes au 19e siècle marque de son empreinte les paysages neuchâtelois. L’arrivée du train dès 1859 accélère encore ce processus en favorisant l’acheminement des matières premières et en facilitant le transport des hommes et des marchandises. Si Cressier reste encore, à la fin du 19e siècle, une commune essentiellement agricole, elle connaît au cours du 20e siècle un important développement industriel.
Gustave Jeanneret met en évidence au premier plan les marais et les champs situés au sud-est de Cressier. Le village se devine sur la gauche, se détachant sur le contour massif et sombre des montagnes de Serroue et de Chaumont. Sur la droite émerge la silhouette de la petite chapelle de Combe. A peine visible, traversant la composition de part et d’autre sur la ligne d’horizon, la voie ferrée se signale par le panache de fumée du train.
Le caractère à la fois intimiste et monumental du tableau en souligne la beauté et la poésie. Gustave Jeanneret, qui s’établit à Cressier en 1888, est sensible aux atteintes que subit le paysage, grignoté par le monde moderne. Il écrit en 1881 : « Partout traqué par l’industrie, par l’utilitarisme, par l’amour de la ligne droite, de l’enclos, du sentier ratissé et du conifère obligé, le peintre neuchâtelois se voit de plus en plus privé du capital que la bonne nature pourrait lui fournir ». Ainsi, le train qui traverse discrètement la plaine de Cressier symbolise, par sa puissance et sa vitesse, la marche inexorable du progrès, et préfigure l’industrialisation de l’Entre-deux-Lacs.
Les travaux et les jours à l’heure de l’industrie, catalogue d’exposition, Musée des Beaux-Arts de La Chaux-de-Fonds, 2009.
Ruedin, Pascal, Gustave Jeanneret 1847-1927, Hauterive : Ed. Gilles Attinger, 1998.
Ruedin, André, Callet-Molin, Vincent, Cressier, Entre Thielle et Jura, Hauterive : Ed. Gilles Attinger, 2008.